
C’est une innovation prometteuse : équiper les fenêtres des bâtiments d’un filtre photovoltaïque aux allures de vitres fumées, qui permet de produire de l’électricité. De quoi rendre les bâtiments plus autonomes et favoriser l’essor des énergies renouvelables. Problème : EDF a décidé de cesser l’activité de sa filiale, Nexcis, qui a mis au point le procédé.
Abasourdis par la décision, les salariés, menacés par un plan social, proposent de reprendre l’entreprise, avec le soutien de syndicats. Mais dans l’indifférence, pour l’instant, du gouvernement. (...)
Pour ses recherches, Nexcis, lancée conjointement en 2009 par EDF et l’Institut de recherche et développement pour l’énergie photovoltaïque (Irdep) [1] a bénéficié d’un investissement de 75 millions d’euros, dont un tiers d’aides publiques. 17 brevets ont été déposés. L’invention n’attend plus qu’à être commercialisée, avec la perspective d’améliorer la sobriété et l’autonomie énergétique des bâtiments qui en seront équipés.
« Quand EDF nous a annoncé la fin, nous n’avions rien vu venir »
La direction d’EDF en a décidé autrement, en annonçant en février dernier la cessation d’activités de la filiale et un « plan de sauvegarde de l’emploi ». Les salariés en ont été les premiers surpris. « Nous étions tranquillement en train de travailler à ces recherches. Pas d’ouvriers, pas de culture syndicale, et quand EDF nous a annoncé la fin, nous n’avions rien vu venir », confie Stephan Dainotti, représentant du personnel qui s’est depuis syndiqué à la CGT quand il s’est aperçu que « la CFDT signait tout, tout de suite ».
Pourquoi risquer de ruiner ainsi six années de fructueuses innovations ? Le mystère demeure. (...)
« Jean-Bernard Lévy [le nouveau PDG d’EDF] est arrivé en octobre dernier. Il est là pour rendre EDF le plus rentable possible. Nexcis étant un centre de recherche avec un coût, il coupe la branche », avance le représentant syndical. D’autant que l’invention, si elle est mise en œuvre à grande échelle, pourrait contribuer à réduire la consommation d’électricité produite par EDF et, à terme, entraver ses bénéfices. On sait le peu de cas que l’électricien réserve, pour l’instant, au développement des énergies renouvelables : elles ne pèsent que 0,1% de sa production d’électricité en France (hors barrages qui pèsent 9,8%, le nucléaire représentant 88%, voir notre document sur le sujet). Ce qui n’a pas empêché l’entreprise publique a être choisie par le gouvernement comme sponsor de la conférence sur le climat, fin 2015 à Paris.
« Pépite technologique »
Pour Stephan Dainotti, les actionnaires de Nexcis, au premier rang desquels EDF, « se sont dit qu’il y avait quelque chose à tirer de ces recherches, qu’il fallait juste mettre les brevets au chaud pour les récupérer plus tard » [2]. Et les revendre à bon prix, sans s’embarrasser de 77 salariés. Cette hypothèse s’appuie sur le sort réservé par EDF au rapport demandé à la banque Rothschild. (...)
« On attend la loi sur la transition énergétique censée donner plus de visibilité aux énergies renouvelables et notamment au photovoltaïque, souligne Jean-Louis Bal. Le gouvernement sera contraint d’y allouer des moyens, filière par filière. On verra alors quelle est la réelle volonté de l’Etat. En attendant, la fermeture de Nexcis par EDF est bien révélatrice d’une contradiction majeure de l’Etat. » Une de plus en matière de créations d’emplois associée à l’enjeu de la transition énergétique.