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France TV Info
Enquête Sources taries, décharge sauvage… En Auvergne, Volvic soupçonnée de menacer la ressource en eau
#Volvic #Danone
Article mis en ligne le 12 novembre 2022
dernière modification le 13 novembre 2022

Déjà accusée par des riverains de contribuer à assécher les sources de la région, la société des eaux de Volvic est aussi suspectée d’avoir caché l’existence d’une décharge de PVC située dans une réserve naturelle.

Lorsqu’on arrive à trois kilomètres en contrebas des forages de Volvic, sur la commune de Malauzat dans le Puy-de-Dôme, on débouche sur une pisciculture ombragée, un monument historique qui date du XVIIe siècle. Au temps des Romains déjà, "les sources de ma propriété étaient connues sous le nom de Dragonara, raconte fièrement le propriétaire des lieux, Édouard de Féligonde. Cela voulait dire : les sources du dragon, tellement elles jaillissaient avec fracas." Mais cette époque est révolue. Six mois dans l’année désormais, l’eau ne coule plus assez. Tous les poissons ont disparu. Le propriétaire dit avoir renoncé à une production annuelle de 60 tonnes de truites. Et ce manque d’eau a un effet sur l’installation : les murets s’affaissent et la surface des bassins est recouverte de lentilles d’eau verdâtres.

Volvic en partie responsable d’un tarissement des sources

Certes, le changement climatique joue un rôle majeur dans la réduction de la ressource en eau. Les experts s’accordent à le reconnaître. Mais Édouard de Féligonde pointe un autre responsable : le groupe Danone, qui a racheté la société des eaux de Volvic à Nestlé en 1993. Aujourd’hui, elle emploie près de 900 personnes et commercialise 1,75 milliard de bouteilles par an. Son activité fluctue selon les périodes de l’année. En été, lorsque la demande est au plus fort, on peut voir partir jusqu’à 250 camions et cinq trains par jour. Ils approvisionnent le marché français, mais pas seulement, car Volvic exporte 70% de sa production, essentiellement vers l’Allemagne, le Royaume-Uni et le Japon.

Pour produire autant, Danone dispose de cinq forages qui sont aujourd’hui dans le collimateur de certains riverains. (...)

Considérant que les autorisations d’exploiter l’eau attribuées à Volvic par la préfecture sont responsables de cette situation, Édouard de Féligonde a assigné le préfet devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand. Une expertise réalisée par le cabinet de l’hydrogéologue Daniel Devred a conclu que la baisse des sources de 1981 à 2019 pouvait être imputée à 63 % aux régies des eaux (qui alimentent les communes de la région en eau potable), mais aussi à 37% à la société des eaux de Volvic. L’expert considère donc que "le lien de causalité est incontestablement établi entre les prélèvements de la société des eaux de Volvic, ceux des régies des eaux, et les baisses de débit des sources des requérants." L’affaire n’est pas tranchée pour autant : le 25 mai 2022, le tribunal a commandé une nouvelle expertise ainsi qu’une étude hydraulique.
Une réduction des captages en trompe-l’œil ?

Face à cela, Danone rappelle qu’il s’est engagé à réduire de 10 % son autorisation mensuelle de prélèvement, et d’autant son autorisation annuelle, en cas d’alerte sécheresse renforcée. Un effort qui, assure l’entreprise, sera doublé en 2025. À première vue, il pourrait donc s’agir d’une réduction significative de ses prélèvements. Mais la sémantique utilisée par Danone peut être interprétée autrement. Car Volvic effectue depuis 2014 des prélèvements en deçà du plafond autorisé par la préfecture. Sur un volume "autorisé" de 2,5 millions de mètres cubes, l’entreprise ne devrait encore en capter que 2,3 millions cette année. Baisser le niveau de cette "autorisation", comme le dit l’entreprise, ne signifie donc pas forcément pomper moins d’eau, mais simplement rester en dessous de que ce qu’autorise le préfet. Le groupe précise d’ailleurs que ces "diminutions" s’effectuent sans réduire pour autant le nombre de bouteilles vendues.

Danone met l’accent sur un autre engagement : réduire la quantité d’eau utilisée pour rincer ses chaînes d’embouteillages. (...)

Ces engagements peinent cependant à convaincre certains riverains, compte tenu d’un événement survenu en 2020. Danone a fait procéder à un nouveau forage. Un sixième. La commission de l’Assemblée nationale qui enquêtait sur l’utilisation de l’eau par les groupes privées s’en est elle-même émue. Il s’agit en fait d’un possible forage dit de substitution, qui pourrait être utilisé en cas de défaillance d’un des cinq autres. Mais il a été réalisé "en plein Covid, en catimini", selon Dominique Delarouzière. D’où un questionnement sur sa légalité. (...)

Du PVC dans une réserve naturelle

Mais les griefs faits à Danone ne s’arrêtent pas là. En mars 2022, la Ligue de protection des oiseaux découvre dans la réserve naturelle de Volvic l’existence d’une décharge située non loin d’une ancienne usine d’embouteillage du Goulet datant de 1974, que Nestlé avait cédée à Danone en 1993. Il y a là, enfouis à environ deux mètres de profondeur, des blocs de PVC (plastique) compacts de couleur blanchâtre, mais aussi du bois dont on ne sait pas s’il a été traité, ainsi que du verre. Après avoir été entreposés, ces déchets ont été recouverts de terre, puis des arbres ont été plantés pour masquer leur existence. L’association Robin des Bois estime leur quantité entre 3 000 et 4 000 tonnes. (...)

Une décharge signalée depuis 2001 (...)

Il reste à connaître l’impact de ces déchets sur l’environnement, et notamment sur les eaux souterraines. (...)

Face à cela, le préfet du Puy-de-Dôme Philipe Chopin se veut rassurant. "Depuis que nous faisons des contrôles sur l’eau de Volvic, il n’y a jamais eu de problème sur le PVC. Nous en faisons régulièrement avec l’Agence régionale de santé (ARS), et l’eau actuellement ne présente pas de problèmes sanitaires", assure-t-il, sans donner plus de détails sur la nature des molécules qui sont analysées. Selon nos informations, l’ARS doit procéder à de nouveaux contrôles. L’enjeu est important. Si la qualité de l’eau se dégradait, le classement "eau minérale naturelle" de Volvic pourrait être remis en cause.

Et chez Vittel/Nestlé :

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