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Entretien avec Jean-Marc Bikoko : « L’ouverture de nos frontières a laminé l’économie camerounaise »
Article mis en ligne le 8 mai 2014
dernière modification le 1er mai 2014

Jean-Marc Bikoko est président de la Centrale syndicale du secteur public (CSP) au Cameroun. Il est également le coordinateur de la Plateforme d’action et d’information sur la dette du Cameroun, organisation membre du réseau CADTM. Ce syndicaliste chevronné nous présente sa lecture de la situation économique et sociale de son pays. Il revient également sur l’état des résistances au Cameroun. Interview.

Quelle évaluation faites-vous de la situation économique au Cameroun ?

Le pays est en période de post-ajustement structurel. Nous avons un taux de croissance qui a de la peine à atteindre les 5%. Malgré les belles déclarations, le gouvernement n’arrive pas à réaliser le budget voté annuellement. En 2006, le Cameroun a atteint le point d’achèvement de l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE), avec un allégement substantiel de sa dette. Ainsi, le Cameroun a retrouvé son éligibilité auprès des bailleurs. Sauf que le pays s’est lancé dans un processus d’endettement inquiétant. Surtout que cet endettement se fait de manière irrationnelle. Ces dettes sont contractées sans cohérence entre les secteurs. Nous ne savons pas non plus le but poursuivi à travers cette politique.
À qui profitent ces dettes ?

Ces projets servent les intérêts des entreprises étrangères de Chine et de Turquie dans les infrastructures (barrages et routes), l’Inde dans l’agriculture et le Maroc dans la distribution de l’eau et des banques. En plus de ces pays, il y a les bailleurs traditionnels que sont la France et l’Allemagne.

Le gouvernement vient de lancer sa stratégie Émergence 2025. Quelle lecture faites-vous de cette feuille de route ?

Cette stratégie pour « La croissance et l’emploi » ne correspond pas avec la réalité des PME camerounaises qui se trouvent handicapées par les contradictions du gouvernement. Ce dernier a fait cavalier seul en signant un Accord de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne (UE) |1| en novembre 2013. Cette ouverture de nos frontières à la concurrence internationale a laminé l’économie. Désormais, notre économie est dominée plus que jamais par l’informel. En plus, l’agriculture n’a pas été modernisée pour améliorer les rendements. Dans ces conditions, ce plan n’a pas de chances de réussir.
Quel est l’effet de cette situation sur la société camerounaise ?

Le Camerounais vit dans la précarité. D’un côté, nous avons une minorité de riches qui se compte sous le bout des doigts. De l’autre, nous avons l’écrasante majorité de la population qui vit dans la pauvreté. J’inclus dans cette catégorie même les cadres de la fonction publique. Il faut savoir que le SMIG camerounais est un des plus faibles au monde (...)

Le système éducatif est bloqué. Le système de formation est en décalage avec l’évolution de l’économie. À cela s’ajoutent les conditions précaires des enseignants. La baisse de 70% des salaires des profs, décidée il y a quinze jours, a contribué à la baisse du pouvoir d’achat des enseignants. (...)

En 2005, une plateforme appelée « Dynamique citoyenne » |2| est mise en place. Ce collectif est composé de 200 organisations. Parmi nos actions : le suivi indépendant du budget, le respect des slogans affichés pour la lutte contre la pauvreté, etc. Par la suite, il y a eu la création d’un autre collectif à vocation thématique, qui est la Plateforme nationale pour les organisations de la société civile camerounaise. Nous travaillons sur la dette, la défense de l’environnement, etc. Sur chacune de ces thématiques, nous menons des mobilisations. Ces actions se font malgré les interdictions et les pressions des autorités. Ces efforts sont mis à mal par les bailleurs de fond qui n’aiment pas voir une société civile forte. Malgré toutes ces contraintes, des dynamiques existent et font leur petits pas...