
Bien longtemps avant le début des « gilets jaunes », l’hostilité à la police se confondait avec le rejet des institutions qu’elle défendait.
Près d’un mois après le début de la contestation des « gilets jaunes », à la mi-décembre 2018, une enquête d’opinion tendait à montrer le contraire. La police se trouvait alors en haut du classement des institutions suscitant la confiance des Français, avec 74 % de réponses positives. Il existe pourtant en France – l’actualité est là pour le rappeler – un malaise profond entre une population à la culture contestataire bien ancrée et les forces de l’ordre, dont l’image répressive éclipse bien souvent la mission de service public.
Les images de violences entre manifestants et forces de l’ordre qui ont illustré la mobilisation des « gilets jaunes » marqueront durablement la mémoire de ce mouvement. Cette séquence a désormais pour symboles deux images : le visage tuméfié de Jérôme Rodrigues, devenu l’icône des manifestants blessés, et son corollaire, les coups de l’ancien boxeur Christophe Dettinger faisant reculer des gendarmes mobiles à la force du poing sur un pont parisien.
Loin d’être conjoncturelles, ces éruptions de violence trouvent leur origine dans une histoire ancienne, une défiance qui remonte aux origines de la police française et de l’Etat moderne. Des slogans « CRS = SS », hérités de mai 68, à la marche blanche pour les « gueules cassées » des « gilets jaunes », le 2 février, cette spécificité française a traversé les décennies, quand la plupart des pays européens ont su faire évoluer leurs forces de police vers une relation plus apaisée avec leur population. (...)