
Les balles qui tuent peuvent être chiites ou sunnites, modérées ou radicales, pro-occidentales ou « anti-impérialistes ». Les populations qui meurent, aussi. Mais les régimes qui tirent se ressemblent. Celui de Tripoli a d’ailleurs su remplacer l’appel incantatoire à la révolution mondiale par le gardiennage des frontières de l’Union européenne (1).
Les mêmes falsifications réunissent aussi des gouvernements que tout semblerait distinguer. Téhéran a ainsi prétendu percevoir dans le soulèvement démocratique arabe les prodromes d’un « réveil islamique » inspiré par la révolution iranienne de 1979 ; Israël a repris ce fantasme, mais pour feindre de s’en alarmer. Toutefois, quand des opposants iraniens ont voulu saluer les manifestants du Caire, la théocratie au pouvoir leur a fait tirer dessus. L’armée israélienne, elle, ne massacre pas des civils aux mains nues — sauf quand ils sont palestiniens (1 400 morts à Gaza il y a deux ans). Mais M. Benyamin Netanyahou n’apprécie pas davantage que Téhéran l’exigence de liberté de la jeunesse arabe. Car elle pourrait priver son pays d’excellents partenaires, autocratiques mais proaméricains. (...)
Il ne resterait plus alors à Tel-Aviv qu’à crier au loup en se rabattant sur l’épouvantail iranien.(...)
S’il manque d’imagination et de vocabulaire, le régime théocratique n’est pas dépourvu d’appuis ; les remontrances occidentales l’indiffèrent. Mais son existence est fragile car, comme l’a rappelé le 14 février le président turc Abdullah Gül, en visite à Téhéran, « quand les chefs d’Etat ne prêtent pas attention aux demandes de leur nation, ce sont les peuples eux-mêmes qui s’en chargent ». (...)