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Et si Notre-Dame-des-Landes devenait un bien commun ?
Article mis en ligne le 18 janvier 2018

Maintenant que le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes a été abandonné, la question du devenir de la Zad se pose. Une partie de la réponse pourrait se trouver dans la notion des communs, héritée des « communaux » du Moyen Âge.

Wikipédia est un très bon exemple de bien commun. Une encyclopédie en ligne, qui peut être enrichie, lue et contrôlée par tous. C’est ce qu’on peut appeler au sens propre un « commun », c’est-à-dire un système d’utilisation et de gestion d’une ressource matérielle ou immatérielle par un groupe de personnes toutes ensemble. Cette notion a depuis quelques années le vent en poupe, car elle apporte des solutions innovantes à des problèmes notamment environnementaux [1]. L’idée de bien commun date en fait du IXe siècle. Les « communaux » désignaient alors les biens (bois, chemins, rivières) appartenant à tous les habitants d’une commune. Après la révolution industrielle, ce statut juridique est devenu très marginal mais l’idée est restée et a refait surface dans les années 1990 avec les travaux de l’économiste états-unienne Elinor Ostrom. La version moderne des communs, qui ne repose plus sur la propriété mais sur l’utilisation, intéresse aujourd’hui. Et elle pourrait peut-être apporter une réponse à la question de l’avenir de Notre-Dame-des-Landes, maintenant qu’a été décidé l’abandon du projet d’aéroport.

Du côté de la Zad en tout cas, l’idée plaît car elle permettrait aux occupants arrivés dans les années 2010 et aux agriculteurs historiques de vivre ensemble. (...)

« À Notre-Dame-des-Landes, on est obligé de réfléchir à la fois au niveau des parcelles, car c’est une zone humide complexe, et à l’échelle globale, car c’est un espace très étendu. Avoir une vision collective est donc quelque chose de très positif. Et puis, il faut que nous partagions la connaissance de la biodiversité en France, qu’on implique les riverains dans cette démarche, pour inventer quelque chose de neuf et de passionnant. C’est l’avenir de la Zad d’être une zone expérimentale tant en matière d’agriculture que de protection de la nature. » (...)

Thomas Dubreuil, l’un des juristes qui apportent leur aide aux opposants à l’aéroport, juge cette solution des communs « très intéressante » : « On pourrait imaginer la création d’une société civile type SCI [société civile immobilière] qui serait chargée de réguler les usages. L’État resterait propriétaire des terres tout en permettant aux occupants de les utiliser. On se rapprocherait de la distinction entre nue-propriété (posséder un bien mais ne pas avoir le droit de l’utiliser) et usufruit (avoir le droit d’utiliser un bien sans en avoir la propriété) », explique-t-il. Cette société se chargerait alors de rendre leurs parcelles aux agriculteurs historiques, expulsés par l’État pour construire l’aéroport, et de mettre le reste des terres en commun.

Il existe d’ailleurs un précédent de taille : le Larzac. (...)

Après quasiment dix ans de manifestations, de marches vers la capitale, d’actions de désobéissance civile, de grèves de la faim, etc., les paysans du Larzac et leurs soutiens obtinrent gain de cause. Les 66 expropriations furent annulées et le projet d’extension du camp fut abandonné. Certains agriculteurs eurent les moyens de récupérer leurs terres auprès de l’État mais une grande partie du terrain — 6.300 hectares — restait sans propriétaire particulier. En 1985, le président de la République François Mitterrand décida de céder la gestion de cet espace à une entité créée pour l’occasion, la SCTL, pour Société civile des terres du Larzac. Elle est aujourd’hui encore chargée des terres agricoles du plateau. En 2013, Stéphane Le Foll, alors ministre de l’Agriculture, a même renouvelé ce bail dit emphytéotique (de très longue durée) jusqu’en 2083. (...)

« La notion de commun permet de sortir d’une pensée binaire public/privé en inventant une troisième voie »
Autre exemple, plus récent celui-là : la Coordination de protection des espaces verts et publics d’Île-de-France, ou Ceve. Cette entité, issue du rassemblement de plusieurs associations des départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, est centrée sur la notion de commun, en ce qu’elle permet à la fois de préserver les quelques rares espaces de nature de la région parisienne, et de faire se rencontrer les habitants. (...)

Possible juridiquement et concrètement, un statut de commun est-il envisagé par le gouvernement actuel ? « Je suis à peu près sûr que notre manière d’expérimenter va à l’encontre de la façon de penser d’Édouard Philippe, affirme Camille. Mais d’un autre côté, beaucoup de gens ressentent ce que l’on fait comme une source d’inspiration bien au-delà de Notre-Dame-des-Landes. Et ceux qui nous gouvernent ont compris qu’on ne bougera pas. Je ne pense pas qu’ils pensent à cette solution des communs, mais c’est à nous de continuer à la faire exister très concrètement au lendemain de l’abandon. »