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Reporterre
Et si le revenu de base devenait la règle ?
Article mis en ligne le 19 avril 2016
dernière modification le 15 avril 2016

Distribuer un revenu minimum à chacun, sans contrepartie, est une idée qui monte et que la Finlande va expérimenter. Mais plusieurs revenus de base sont imaginables, de l’ultralibéralisme à la décroissance et à l’anticapitalisme.

(...) La Finlande se prépare à l’expérimenter en 2017, une trentaine de villes néerlandaises y réfléchissent, et la Suisse votera le 5 juin prochain pour ou contre son instauration. Le principe du revenu de base, dont Reporterre a déjà parlé à plusieurs reprises (ici ou là) consiste à accorder à chacun un revenu fixe mensuel, quelle que soit son activité, sans contrepartie, durant toute sa vie. Son heure est-elle aujourd’hui venue ? (...)

Aujourd’hui, la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente (Alpc, ex-Aquitaine) joue le poisson pilote : elle prépare une expérimentation pour septembre 2017. « C’est vraiment de l’expérimentation au sens de la recherche », explique Martine Alcorta, conseillère régionale EELV qui porte ce projet. L’objectif sera de tester trois types de revenus de base (montants et mode de distribution différents), chacun dans une commune, et d’analyser leurs effets sur la population participante.
Démonter le système de protection sociale

Quel est l’objectif du revenu de base ? Les avis divergent selon les projets politiques de ses défenseurs. (...)

des penseurs libéraux inspirées de Milton Friedman, économiste ultralibéral qui défendit le revenu de base, se servent de cette idée dans le but de démonter le système de protection sociale tout en maintenant un minimum vital pour les plus défavorisés. Cette éventualité dissuade une partie des gens de gauche d’adhérer à l’idée du revenu de base.

« Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front »

Néanmoins, s’il se traduisait par un renforcement de la protection sociale, le revenu de base changerait profondément le rapport au travail. (...)

les points de vue divergent quant au montant qui permettrait de vivre dignement sans dépendre d’un emploi : 470 € ou 1.000 € (seuil de pauvreté en France en 2013) ? La différence n’est pas mince. Autre souci, et de taille, la morale de l’effort et du travail inscrite dans notre société, que décrivait déjà à Reporterre Dominique Méda. Le principe d’inconditionnalité du revenu de base remet en cause l’idée qu’il faudrait travailler (durement) pour gagner sa vie. Ainsi que son revers, selon lequel un travailleur ne serait motivé que par l’appât du gain. Les opposants au revenu de base y voient un renforcement de l’« assistanat », et craignent que plus personne ne veuille travailler et produire ce dont la société a besoin. (...)

« L’imaginaire du changement »

Avec le Parti pour la décroissance (PPLD), Mylondo défend le revenu de base dans un cadre décroissant. Sa proposition d’un revenu inconditionnel, couplée à un salaire maximal, s’inscrit dans la volonté de redéfinir ce que sont la richesse, la consommation, l’activité. Cela pourrait inciter nos sociétés à moins produire, moins consommer, et garder du temps pour l’échange et l’autoconsommation, ménageant ainsi la planète. La proposition par le PPLD d’une dotation inconditionnelle d’autonomie en est proche, mais prône le remplacement du revenu par des droits en nature : droits à consommer des biens (eau, nourriture, énergie, vêtements, etc.), et à accéder à des services (éducation, culture, santé, etc.).

Mentionnons également les travaux de l’économiste Bernard Friot, qui propose non pas un revenu de base mais un salaire à vie, dans une perspective anticapitaliste. (...)

Sur son blog, Jean Gadrey a formulé des scénarios avec différents montants de revenu de base, et cherché un moyen de les financer. Là où certains évoquent la création monétaire (quantitative easing for people) ou la taxe sur les transactions financières, Gadrey ne voit que l’impôt comme moyen de financement crédible à court et moyen terme. Or, pour un revenu de base à 833 euros par mois par adulte (300 par enfant), il faudrait augmenter les prélèvements obligatoires de 46 %. « Ce n’est pas impossible sur le papier, mais alors c’est toute la structure des salaires (et des retraites) qui est à renégocier dans des proportions énormes, écrit-il. À titre personnel, cela ne m’affole pas, mais je vois mal comment faire accepter cette idée à la majorité de nos concitoyens à court et moyen terme. »
« Il faut trouver la brèche »

Un pragmatisme qui ne persuade pas Baptiste Mylondo. Mais comment convaincre les contribuables ? « Il faut rappeler les mérites de l’impôt. De plus, certains écarts ne sont pas justifiables : ce n’est pas possible de gagner 100 fois plus que d’autres », dit-il.

Les plus pragmatiques, à gauche, proposent des solutions intermédiaires, comme le « revenu de base par étapes » défendu par le MFRB. Cela consiste à se servir du RSA actuel, automatiser ses versements, individualiser les montants perçus, l’élargir aux jeunes entre 18 et 25 ans, puis à toutes les personnes sans revenu, et ainsi de suite. Jean Gadrey, lui, est partisan d’un relèvement des minimas sociaux à hauteur de 700, 800, 900 ou 1.000 €, couplé à « l’exigence d’un accompagnement efficace des personnes pour faire tomber les trois obstacles du non-recours : la non-information, la non-demande, et la non-réception ». Pour Mylondo, le RSA demeure trop stigmatisant pour les « bénéficiaires ». Selon lui, la transition devrait s’appuyer sur un droit inconditionnel au temps partiel choisi, accompagné d’une prime. (...)