
Le débat récurrent sur les unions de même sexe et les familles homoparentales dessine, en creux, un autre débat, jamais explicité, qui mérite toutefois d’être engagé : celui relatif à l’hétéroparentalité. Alors que depuis quarante ans, les études scientifiques sur les parents de même sexe ne cessent de se multiplier, les chercheurs ne se sont toujours pas emparés de l’objet « hétéroparentalité ».
Présentée comme une évidence anthropologique fondamentale tenant à la nature humaine et à l’ordre symbolique, l’hétéroparentalité n’est, en revanche, jamais questionnée. Contrairement aux familles homoparentales, nous ne disposons d’aucune connaissance expérimentale, d’aucune observation ni d’une théorie quelconque permettant d’analyser objectivement les filiations hétérosexuelles.
L’hétéroparentalité apparaît à la fois comme une évidence et comme une autorité multiséculaire incontestable et intangible
(...) force est de constater que deux mille ans d’hétéroparentalité n’ont pas permis d’accroître la responsabilité parentale ou tout au moins d’affaiblir les violences conjugales et intrafamiliales. Les rôles sociaux de genre continuent à se perpétuer au sein des foyers hétéros, le plus souvent au détriment des femmes et des homosexuels. Un récent rapport de l’Unicef montre que les sévices corporels, sexuels et psychologiques sont le plus souvent commis au sein de la famille hétéroparentale.
Et pourtant, on continue à prêter à cette famille « normale », (contrairement aux familles homoparentales et aussi monoparentales), des qualités et des vertus, sans que celles-ci ne soient jamais démontrées ou évaluées. Comme si la différence de sexes et les capacités procréatives étaient la garantie de stabilité des enfants et non pas l’affection, les conditions économiques des parents, l’accès à l’éducation et à la santé. (...)