
J’habite une oasis, seul refuge au milieu d’une steppe aride, parcourue par des incendies imprévisibles, où les rares humains sont condamnés à fuir et survivre en cherchant la pluie. Dans l’Oasis, une douce moiteur nous protège des incendies. L’air est animé du bruissement des toucans et de la course des margays dans les arbres à kapok. Les fins de journée sont enveloppées du parfum entêtant des frangipaniers et du murmure du ruisseau coulant paisiblement à l’ombre des bananiers…
Sur les rives du lac, nous fabriquons le matin des nattes en bambou, des briques et des poteries d’argile. Nous cuisinons chez les habitants selon un système tournant et manions les fleurs d’hibiscus pour soigner toux et angines au chevet des patients. Au jardin, près de la rivière, les plus jeunes apprennent à ouvrir les petites tomates vertes du bush pour en retirer les graines noires, toxiques et les remettre en terre.
Chaque enseignement est mis en pratique directement, au plus près des usages, guidé par les « mères savantes ». Choisies pour leur sagacité, leur bienveillance et leur fermeté, ce sont, à quelques exceptions près, des femmes âgées. Toutes sont porteuses de connaissances affûtées dans des disciplines variées, techniques, botaniques, médicales ou rituelles. Leur fonction principale est de conserver la mémoire et de transmettre les savoirs. Nous apprenons en faisant. (...)
Alessandro Pignocchi est à la fois chercheur, essayiste et auteur de bandes dessinées à l’aquarelle. Il est notamment l’auteur du Petit Traité d’écologie sauvage et de La Cosmologie du futur.
Corinne Morel Darleux est écrivaine, militante écosocialiste et conseillère régionale Auvergne-Rhône-Alpes. Installée au pied du Vercors, elle appelle à l’archipélisation des îlots de résistance et développe les notions de refus de parvenir et de dignité du présent dans un essai, Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce, paru en 2019 aux éditions Libertalia.