
Que vaut un Etat qui fabrique de la violence et emprisonne les victimes d’un « état d’urgence » liberticide ? Cinq ans de prison ferme requis contre Manon alors qu’elle voulait simplement défendre un manifestant qui se faisait matraquer. Après la police, c’est la justice qui devient l’instrument d’un gouvernement qui terrorise la jeunesse et propage la peur pour casser le mouvement social.
(...) Jour après jour les informations que nous recevons sur les listes de mobilisation et les réseaux sociaux sont de plus en plus affolantes et témoignent de pratiques dignes d’un état totalitaire. Le 19 mai à Nantes, ce sont 66 interpellations qui ont été dénombrées, dont plusieurs mineurs en garde à vue.
La centaine de personnes protestant devant le commissariat contre ces arrestations a été gazée, chargée et matraquée. Il convient de bien mesurer la signification politique de la répression régulière des rassemblements de soutien aux personnes arrêtées : soutenir des victimes de la répression est désormais considéré comme un délit (1).
Toujours à Nantes et dans le 44, selon des sources de la FSU, 18 personnes ont été interdites de manifestation « jusqu’à la fin de l’état d’urgence ». Ces mesures préfectorales d’interdiction de manifester sont anti-constitutionnelles et s’inscrivent dans une logique purement préventive. Un enseignant, militant syndical, s’est vu interdit de manifestation au motif, entre autres, d’avoir manifesté lors du mouvement universitaire de 2009 ! Avoir manifesté par le passé est désormais considéré comme un délit ! (2)
Ubuesque ! Mais il y a mieux : on est aujourd’hui condamné ou interdit de manifestation pour des faits qui sont postérieurs à une arrestation (voir ici le cas d’un militant en grève de la faim) ou au motif que l’on pourait porter atteinte à l’ordre public. Pouvoir manifester dans un avenir proche ou lointain est désormais considéré comme un délit ! (3). Les préfets de Cazeneuve et les procureurs d’Urvoas, qui se prennent pour des "précogs", ont ouvert la voie à la répression prédictive. La fiction de Minority Report est devenue réalité. (...)
une étudiante en Science politique doit être jugée le 10 juin. Elle encourt 5 ans de prison ferme. Son seul tort est d’avoir lancé un micro de la salle des conseils de la mairie en direction d’un CRS. Son geste de révolte, instinctif, visait à protéger un militant qui se faisait violemment matraquer. Le projectile n’a occasionné aucune blessure. Il est à souligner que Manon, comme beaucoup d’autres manifestants réprimés, est une militante politique. Selon un témoignage de ses soutiens, "son domicile a été perquisitionné et les policiers se sont particulièrement attardés sur les preuves de son appartenance aux jeunes communistes (affiches et tracts)". Appartenir à une organisation politique ou à un syndicat est désormais considéré comme un délit ! (4). Il convient de tirer toutes les conséquences des quatre points que je souligne, en particulier sur la nature politique du régime d’exception qui se met en place, au moyen d’un détournement caractérisé de l’état d’urgence. Qu’on se le dise : une droite extrême est au pouvoir. Quand l’extrême droite y sera, elle disposera de tous les instruments légaux qui sont nécessaires à une dictature.
Les poursuites contre Manon doivent être abandonnées. Elle est largement soutenue par la communauté enseignante de l’Université de Picardie-Jules Verne, en particulier les enseignants du département de Science politique qui ont apporté le témoignage suivant : (...)
Tous les enseignants du département de Science politique apportent unanimement leur soutien à leur étudiante. (...)
Mais notre soutien doit aller aussi aux autres camarades de Manon, et aux dizaines de militants, de citoyens et de jeunes – souvent mineurs - qui sont aujourd’hui victimes de l’état d’urgence, dont le bras armé est devenu une véritable police politique. Nous allons assister dans les semaines et les mois qui viennent à de véritables procès politiques contre lesquels tous les citoyens attachés aux libertés fondamentales doivent protester, se mobiliser et, s’il le faut, se soulever. Notre démocratie est en danger. (...)