 
	Aujourd’hui, les ouvrages qui remettent en question la construction européenne sont plus nombreux que ceux qui la défendent. Rien d’étonnant : le coût social des plans d’austérité et du « sauvetage » des banques a discrédité le discours des tenants du « plus d’Europe ». Au point que la critique ne vient plus seulement de secteurs de la gauche radicale, de la droite dite « souverainiste » ou de l’extrême droite, chacun d’ailleurs avec ses visées propres : les eurosceptiques sont désormais rejoints par des personnalités favorables à une Europe unie, et certains ne font pas les choses à moitié…
C’est le cas de l’économiste Robert Salais, qui propose un livre au titre sans ambiguïté : ce Viol d’Europe (1) — le détournement d’une utopie progressiste — est selon lui l’acte fondateur du projet : « S’il lance la création de la Communauté européenne, le marché commun signe aussi la disparition de l’idée d’Europe. Par la suite, plus la construction européenne approfondira la voie du marché et laissera de côté les peuples et l’impératif démocratique, plus — tout en invoquant l’idée d’Europe — elle installera les conditions rendant impossible sa réalisation. » Salais préconise un tout autre modèle de développement, piloté par un dispositif institutionnel d’union des peuples, avec ce qu’il faut de fédéralisme pour gérer démocratiquement la tension existentielle entre les nations et l’Europe.
La Fin du rêve européen (2), de François Heisbourg, est le produit d’une révision déchirante : l’auteur, qui a voté « oui » aux deux référendums (sur le traité de Maastricht en 1992, sur le traité constitutionnel en 2005), milite pour des « réformes structurelles » de la protection sociale et du droit du travail. Il n’en recommande pas moins aujourd’hui l’abandon de l’euro — « il faut savoir arrêter une monnaie pour sauver l’Union européenne » — et un retour provisoire aux monnaies nationales, mais avec un nouveau système monétaire européen limitant les marges de fluctuation de leurs parités. Exercice qui permettrait selon lui de pratiquer la thérapie de choc libérale (même s’il n’emploie pas cet adjectif) qu’il appelle de ses vœux. Il s’étonne que les électorats aient jusqu’ici fait preuve d’une « patience d’ange » : ladite thérapie pourrait bien y mettre fin...
L’étude de Jacques Sapir et Philippe Murer, avec la contribution de Cédric Durand, propose un mode d’emploi beaucoup plus détaillé de la sortie de la monnaie unique, sans concession cette fois aux thèses libérales (...) . On attend de la plupart des journalistes économiques et des dirigeants politiques, si prompts à dénoncer la « catastrophe » que serait la sortie de l’euro, qu’ils se donnent la peine de lire cette étude et d’y répondre…
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