
Le projet d’une évaluation des enseignants par les chefs d’établissement, dévoilé la semaine dernière, suscite la polémique. Au-delà de l’accroissement du pouvoir des chefs d’établissement, ce projet est porteur d’une nouvelle vision de l’école, explique Xavier Albanel, auteur d’un ouvrage sur Le travail d’évaluation - l’inspection dans l’enseignement secondaire*.
(...) Le double rôle de l’inspecteur biaise tout. Ce qui pose actuellement problème, c’est qu’il est à la fois évaluateur, c’est-à-dire juge, et conseil. L’inspection poursuit aujourd’hui trois objectifs : le contrôle de la conformité des enseignements avec les programmes, l’accompagnement pédagogique et l’évolution de carrière, par le biais de la note, qui peut permettre de progresser plus vite en étant promu au choix ou au grand choix plutôt qu’à l’ancienneté.
Dans les faits, un enseignant se fait évaluer une fois tous les cinq ou dix ans, pendant une heure. Ramené à une carrière, cela fait entre huit et dix heures d’inspection seulement. C’est très limité !
Et comment un professeur pourrait-il avouer ses faiblesses quand il sait qu’il va être jugé ? Seule une relation d’entière confiance permettrait de rendre l’inspection utile en termes d’accompagnement. (...)
laisser l’évaluation aux seuls chefs d’établissements poserait un vrai problème de confiance. Ils ne seraient pas plus aptes à les évaluer, et encore moins à les conseiller, qu’un inspecteur. Au contraire ! Imaginons un principal ou un proviseur qui a été professeur de biologie. Comment peut-il évaluer un professeur de philosophie ? (...)
Que l’évaluation ait lieu tous les trois, cinq ou dix ans, ne change pas le problème non plus. Si l’évaluation telle qu’elle est ne fonctionne pas bien : supprimons-la et remplaçons-la par de vrais conseils ! Noter, évaluer, juger les professeurs n’est pas une priorité. Ce dont ils ont besoin, c’est d’un accompagnement pédagogique
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la matière de l’école n’est pas la matière de l’entreprise et la progression des élèves ne se mesure pas comme un profit ! L’école, la transmission du savoir, l’apprentissage de la citoyenneté, ne sont pas des produits, et, si ce sont des services, ce ne sont pas des services comme les autres.
Quant à la capacité d’un professeur à faire progresser ses élèves, quels seraient les moyens dont on dispose pour la mesurer ? On pourrait mesurer collectivement les résultats obtenus sur un établissement par rapport aux résultats attendus. Pour le reste, je ne vois pas…
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Les enseignants ont peur de cette réforme, parce qu’ils voient bien que le but n’est pas d’en faire un système d’évaluation plus efficace, mais d’accompagner le changement vers une nouvelle vision de l’enseignement et de l’école. (...)