
(...) Charges sociales forcément trop lourdes, le gouffre sans fond de la dette publique, l’efficacité de la flexibilité et du marché, les nécessaires réformes, etc.
Les formules toutes faites, les évidences non fondées, les fausses banalités font la une des médias.
Alain Bihr nous rappelle une histoire d’avant la chute du mur de Berlin. Les soviétiques avaient l’habitude de dire que la Pravda (vérité en russe) méritait bien son titre. En effet, il suffisait de la lire pour apprendre la vérité… à l’expresse condition d’en prendre le contrepied.
Telle est bien la nouvelle nécessité pour décrypter les vérités de la langue néolibérale. Prendre le contrepied, voir derrière les mots les travestissements de la réalité, les naturalisations de rapports sociaux, la contrebande des mots valise, les perversions discursives de la novlangue, à l’instar des frontons des camps de la mort ou de 1984 de Georges Orwell.
L’auteur avec une grande habileté et un recours assumé aux théorisations marxistes va donc dénouer cet écheveau, aller à la racine des choses, donner à comprendre le monde. (...)
voilà une possible introduction accessible à la critique de l’économie et de la contre révolution néolibérale. Sans compter que l’auteur use à bon escient d’un humour décapant. (...)
L’auteur revient sur la crise structurelle du capitaliste ouverte au cours des années 1970, la réorganisation hiérarchiques des formations nationales, les rapports sociaux issus de la précédente crise structurelle du capitalisme (1929), l’offensive du capital contre le travail, les organes du capitalisme trans-nationalisé, la crise profonde du mouvement ouvrier (au sens le plus large et non dans sa réduction sociologique en ouvrier-e-s de production matérielle), la faillite des modèles auto-nommés socialistes « dont l’idéalité avait été antérieurement compromise depuis des lustres »…
Il poursuit sur le discours, l’idéologie, la novlangue, l’apologie de l’individu « égocentré et égoïste » (j’ajoute de son narcissisme) renommée « liberté individuelle » hors de toute prise en compte des rapports sociaux et de leur imbrication. (...)
Alain Bihr détaille les deux principaux modes opératoires de la novlangue : l’inversion de sens et l’oblitération de sens. Mots-clés, inversion du sens ordinaire des termes utilisés… Par exemple, égalité rabattue en égalité des chances, dans le langage néolibéral « L’égalité, c’est l’inégalité ! » ; marché et l’apologie de son monopole et de la concurrence, dans l’oubli volontaire des rapports sociaux, en particulier des rapports de production ; propriété, assimilant sous une forme juridique des rapports sociaux « hétéroclites », mettant un trait d’égalité entre la possession de biens et celle de moyens sociaux de production ; réforme non pour les transformations des rapports sociaux – obtenues par les luttes – mais par leurs abolitions, soit en fait des contre-réformes, pour ne pas parler de véritable contre-révolution anti-démocratique, anti-égalitaire et liberticide…
L’inversion de sens est complétée de l’oblitération de sens, soit rendre difficile, voire impossible, de penser en certains termes et imposer des figures lexicales propres à l’ordre néolibéral… Par exemple, capital humain oblitérant entre autres la force de travail, son exploitation et la domination « du travail par le capital » ; charges sociales pour la part socialisée du salaire, charges donc à réduire – c’est à dire prôner la réduction de la globalité du salaire – ou dit autrement réduire la valeur de la force de travail (...)