« Des ambiguïtés caractérisent le discours écologiste depuis les années 1970 », estime Antoine Dubiau, chercheur à l’université de Genève. Pour lui, il est urgent de le clarifier, notamment quand des militants écolo comme Hugo Clément fraient avec l’extrême droite.
(...) Actuellement, les principales forces politiques qui se saisissent de la question écologique restent effectivement toujours les forces politiques de gauche. Mais ce n’est pas parce que l’extrême droite est en retard et ne s’est pas saisie du problème pour l’instant qu’elle ne pourrait pas le faire. L’hypothèse est d’autant plus probable qu’un corpus écofasciste, dans lequel l’extrême droite pourrait piocher ses arguments, existe déjà depuis plus de 30 ans.
Une « écologisation du fascisme » déjà bien entamée
Ce que j’appelle « l’écologisation du fascisme », soit l’appropriation de la question écologique par des idéologues réactionnaires, prend plusieurs formes. (...)
Beaucoup d’arguments de la gauche disent que l’extrême droite ne peut pas être écolo. Ils ne sont pas forcément faux, notamment lorsqu’ils pointent la dépendance de ce camp politique vis-à-vis du capital fossile, mais doivent être nuancés. Il faut être capable de voir la possibilité d’une hybridation entre une extrême droite écolo et une extrême droite anti-écolo.
C’est ce qui s’est historiquement fait à gauche. L’arrivée de l’écologie à gauche ne s’est pas réalisée en douceur. Dès le départ, il y a eu des conflits importants entre écologistes et communistes, qui restaient sur une ligne productiviste. (...)
Du carbofascisme à l’écofascisme ?
Le carbofascisme est la forme principale de rapport à l’écologie qui domine à l’extrême droite aujourd’hui. Ça signifie une convergence, voire un partage des intérêts entre l’extrême droite et le capitalisme fossile. D’un côté, l’industrie fossile, en contexte de crise climatique, voit ses intérêts économiques directs d’exploitation des hydrocarbures menacés. De l’autre, l’extrême droite défend la civilisation occidentale, largement dopée aux énergies fossiles, et sa supériorité. Les intérêts de ces deux groupes se retrouvent alors dans la défense des énergies fossiles et dans l’alimentation du climatoscepticisme. (...)
Une nécessaire clarification du discours écologiste (...)
à partir du moment où une nouvelle offre politique comme l’écofascisme peut devenir le réceptacle de certaines de ces ambiguïtés, il devient d’autant plus essentiel de clarifier certaines positions. (...)
certains discours mettent en cause non pas la société capitaliste et la recherche du profit par la classe bourgeoise, mais plutôt la société moderne qui serait devenue « décadente », qui serait allée « trop loin », sans qu’on sache forcément ce que cela veut dire. Ce discours sied très bien aux écofascistes qui plaident pour un retour à une organisation plus traditionnelle de la société.
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Il faut donc être capable d’accepter ce postulat de départ selon lequel l’écologie peut exister sous d’autres formes politiques qu’une forme émancipatrice. Cela ne légitime pas pour autant ces appropriations, il s’agit avant tout de construire une vigilance collective les concernant. (...)
Après son intervention lors d’un débat organisé par l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs actuelles arguant qu’« il n’est pas envisageable de ne pas parler aux 13 millions d’électeurs de Marine Le Pen », la question à poser à Hugo Clément (journaliste et militant de la cause du bien-être animal) serait la suivante : une fois que tous les partis seront écologistes, qu’aura changé le fait d’avoir porté l’écologie de manière apartisane ? Les conceptions de l’écologie seront effectivement très différentes entre la conception raciste de l’extrême droite et émancipatrice qui vaut à gauche, sans parler du capitalisme vert dont on ne prend pas l’existence catastrophique assez au sérieux. Ce serait une question à poser aux écologistes qui se revendiquent comme apolitiques : une fois que tous les partis sont devenus écolos, pour qui allez-vous voter ? Quel projet politique allez-vous défendre ? Parce que finalement, c’est bien la question qui se pose toujours.