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Expérimentation animale : peut-on traiter avec légèreté de sujets graves ?
Article mis en ligne le 3 février 2016
dernière modification le 29 janvier 2016

(...) « Le sujet est tabou, surtout depuis que le thème de la souffrance animale est devenu une question de société », précise le présentateur Stéphane Haumant pour introduire un reportage annoncé comme un « documentaire choc ». Mais « Cobayes : bye bye ? », diffusé lundi 18 janvier, traitant du sujet hautement complexe de l’expérimentation animale, ne manque pas de surprendre – et de décevoir. Non pas pour les informations diffusées, car là n’est pas le propos, mais par le traitement même du sujet, sur un ton volontairement décalé et léger.

(...) Entre l’enquête d’investigation et l’enquête d’action, dont le but est de divertir, au moyen d’une mise en scène spectaculaire, davantage que d’informer [1], il y a confusion pour le téléspectateur. Les émissions de télévision proposant des reportages, des documentaires, des investigations de fond ou des magazines chocs, ont en effet des titres – et des contenus – pour le moins similaires. « Enquête d’action », « enquête exclusive », « spécial investigation », « cash investigation », etc. : difficile pour les téléspectateurs de faire la part des choses dans un univers ou les mots et les genres semblent tous pouvoir se substituer les uns aux autres.

L’enquête télévisuelle recouvre désormais un scénario illustré avec des séquences, où la mise en scène de l’enquête se substitue de plus en plus à l’information elle-même. Ces mises en scène illustrent l’avancement du journaliste sur les enjeux de son sujet, et guident le raisonnement du téléspectateur. Et pour le séduire, il faut l’embarquer, si possible dans des situations inédites, dans des lieux éloignés, dangereux, fermés, impénétrables. Montrer combien la tâche est ardue, et l’illustrer [2]. (...)

Outre le besoin d’images d’illustration ou de transition, qui est légitime en télévision, c’est non seulement la représentation de ce qu’est l’enquête à l’écran qui est gênante, mais surtout ce à quoi elle renvoie : un voyage agréable et exotique, en un mot divertissant. (...)

Mais comment aborder un sujet anxiogène sans effrayer les téléspectateurs ? Comment donc annoncer aux téléspectateurs un sujet choc mais qui ne choquera pas ? Le parti-pris de l’infotainment semble alors gagner les enquêtes dites d’investigation et c’est bien ce qui est déroutant dans le documentaire, au titre pourtant éloquent, jeu de mots ludique à l’appui : « Cobayes : bye bye ? ». (...)

Pourrait-on traiter sur ce mode enjoué – et c’est un euphémisme –, du travail des enfants dans les mines ou de la prostitution ? De la criminalité organisée en Amérique centrale ou de la prolifération nucléaire ? L’analogie permet de se poser la question des limites de ce type d’investigations ludiques. Et de ce qu’elles sous-tendent : les expériences sur les animaux, est-ce un sujet si grave que cela ? (...)

Les patients, les chercheurs expérimentant et les animaux expérimentés) sont justement les trois grands absents de ces 52 minutes d’enquête : et il est à noter que les scientifiques pratiquant l’expérimentation animale n’ont jamais la parole dans le reportage.

Comment montrer l’immontrable ?

Autre grand absent, les animaux de laboratoire, qui sont invisibles dans ce documentaire censé pourtant leur être dédié. (...)