
Jeudi matin 10 avril, et la Grèce... tente sa sortie des marchés comme on dit ici. Le pays emprunte auprès du grand et si libre marché des capitaux en émettant des titres et des vœux pieux, d’un taux d’environ 5%. Une prouesse ! Sauf que cette liturgie copieusement préparée par le “gouvernement”, éclate sous l’effet de la déflagration, car une voiture piégée a explosé ce même matin rue du Stade, près du siège de la Banque Centrale, dite “de Grèce”. Le tout d’ailleurs, dans une presque indifférence.
Et voilà que le centre-ville a été interdit à la circulation, d’autant plus qu’à la veille de la visite d’Angela Merkel vendredi, l’ambiance est déjà chargée. Mercredi 9 avril, c’était une journée (passée) d’action et de grève dite “générale”. À Athènes on manifestait sous ordre dispersé et dans une ambiance mitigée sous le regard des touristes, car “la saison s’ouvre enfin”. Visages graves et figures souriantes parmi les manifestants et à très peu de choses près, une journée... égale pour tous les autres.
J’ai remarqué que contrairement à d’autres journées d’action syndicale, le bureau de la poste situé sur la place de la Constitution restait ouvert. Au pays de la fermeture (provisoire ?) de la Constitution, tout relèverait de l’accidentel.
Place Omonoia en plein centre-ville, c’est à l’appel du syndicat PAME, proche du Parti communiste (KKE), que quelques milliers de personnes se sont rassemblées. Les habitués ont répété les slogans habituels, tandis que Dimitris Koutsoumbas, le (presque) nouveau Secrétaire parut très souriant. Ensuite, le cortège a vite atteint (et d’ailleurs très symboliquement) l’Assemblée (de même que les autres cortèges des syndicats et de SYRIZA), puis... la fin. Les symboles ont également la vie dure en Grèce et en ce moment. (...)
Comme de toutes les manifestations, et il y a eu plus de 8.000 cortèges depuis trois ans en Grèce, les visages les plus graves (contrairement aux sourires des autres), les plus crispés et essentiellement les plus interrogateurs, ont été ceux des handicapés. Personnes ainsi à mobilité réduite ou malvoyants du pays réduit et de l’Europe aveugle. Vent mauvais et toutefois dignité. (...)
Seulement parmi les syndicalistes PAME, les photographes avaient surtout remarqué ces anciens de Coca-Cola, tous licenciés, et appelant à boycotter les... fluides de la marque : “Pas une seule gorgée de Coca-Cola avant la réouverture de l’usine de Thessalonique”. La multinationale (et sa branche “grecque”) ont décidé de... diversifier en délocalisant. Alors chômage, colère et diversion. Et pour l’instant la décision demeure... irrévocable. (...)
Près du marché central, une collectivité citoyenne nommée “L’autre homme” distribuait de la nourriture pour tous : “Free food for all - Cuisine sociale”, le tout... moyennant une certaine tristesse avérée et singulièrement visible. Sous un regard presque amusant et amusé d’un groupe de touristes (...)
Nos murs en disent déjà suffisamment long, sauf que leur polysémie n’ira guère jusqu’à la synthèse. D’ailleurs, voire enfin, les Grecs du plus grand nombre et surtout ces générations de l’après dictature, découvrent en ce moment seulement, certaines expressions disons fatales, relevant de cette polysémie propre au capitalisme... réellement existant. à leurs risques et périls bien évidement.
C’est ainsi un temps où nos embarcations de toute taille sont bradées, et que de l’admirable bâti est souvent à vendre ou à louer. Sous les effets de la crise et des... réorientations économiques, la prostitution connait autant son heure de triste gloire, les “studios” (maisons closes) ne cessent d’ouvrir leurs portes, “en deux ans, plus d’une dizaine se sont ouvertes dans le secteur” assure Akis, un mécano du quartier de Metaxourgeio. (...)
Les regards, réels et figuratifs des femmes grecques apparaissent souvent éplorés par les temps qui courent (...)