Au plus fort de l’épidémie, les clans mafieux d’Italie semblent avoir tiré profit de la détresse économique, comme lors de précédentes crises. Entre les aides sociales opportunistes, les prêts usuriers et les nouveaux secteurs d’investissement, la mafia sort renforcée du Covid-19.
(...) les Italiens ont tellement l’expertise de la lutte contre la mafia que magistrats et journalistes avaient alerté dès le début de la crise sanitaire qu’elle allait infiltrer l’économie légale.
Quelles sont les opportunités que la mafia a saisies ?
Elle a multiplié les fraudes et notamment celles par internet, pour la livraison de masques et de gels. Le Covid a été l’opportunité de s’infiltrer davantage dans le milieu hospitalier où elle est déjà présente pour la fourniture de services (nettoyage, blanchisserie...) et le traitement des déchets –une activité accrue pendant la crise du Covid, surtout en Lombardie où le monde de l’anti-mafia dénonce déjà certaines opérations de la mafia calabraise ’Ndrangheta.
La mafia « choisit » parmi les pauvres ceux qui ont de l’intérêt, et l’une de ses cibles majeures sont les petits entrepreneurs, à qui elle prête de l’argent le temps de la crise. (...)
Dans le quartier populaire Zen de Palerme, le frère du boss de Cosa Nostra, Giuseppe Cusimano, a par exemple été aperçu alors qu’il distribuait de la nourriture à travers une association caritative proche du clan.
En retour, la mafia demandera des « services » : cacher des armes ou un fugitif, employer un cousin, etc. Même si l’État a distribué 400 millions d’euros en bons alimentaires, elle a « offert » des paniers aux plus pauvres comme à Naples et en Sicile.
En étant plus proche des plus démunis, la mafia exerce un contrôle plus direct sur ces populations et cultive du capital social. (...)
Les mafias s’immiscent dans les failles de l’État dont l’aide est insuffisante ou ralentie par la lourdeur bureaucratique. (...)
Les mafieux ont ainsi proposé de reporter le paiement de l’usure pendant le Covid. En différant les paiements ou en les étalant dans le temps, ils se voient rembourser au moins le triple de ce qu’ils ont prêté. Cette stratégie du « cash flow » leur assure une rentrée d’argent pérenne et permet de couvrir les frais fixes.
L’autre stratégie est de racheter le commerce avec ses dettes, pour une bouchée de pain, afin de blanchir l’argent. Avec la faillite annoncée de nombreux petits commerces, la mafia saisira ces opportunités pour s’infiltrer encore davantage dans l’économie. (...)
Des affaires actuellement dans les mains des magistrats ou déjà jugées prouvent ces mécanismes. Banquiers et mafieux sont souvent dans la même loge maçonnique, ont des intérêts économiques communs... et ce n’est pas un hasard si la magistrature les condamne ensemble. (...)
Des affaires actuellement dans les mains des magistrats ou déjà jugées prouvent ces mécanismes. Banquiers et mafieux sont souvent dans la même loge maçonnique, ont des intérêts économiques communs... et ce n’est pas un hasard si la magistrature les condamne ensemble. (...)
La mafia va-t-elle donc tirer profit de la période de redémarrage économique ?
C’est une certitude. Quand les aides nationales et européennes seront versées, les organisations mafieuses seront présentes pour récupérer l’argent des appels d’offres et des aides publiques pour les hôpitaux, les entrepreneurs, les familles...
Si l’attribution des aides n’est pas contrôlée, l’argent peut aller dans les territoires contrôlés par la mafia. Si l’argent vient de Rome, les autorités italiennes ont leurs dispositifs de lutte anti-fraude, avec la « confiscation sans condamnation pénale du propriétaire » qui permet de saisir 12 milliards d’avoirs tous les deux ans. Mais si l’argent vient de Bruxelles, l’OLAF (Office européen de lutte antifraude) ne peut enquêter que si l’État bénéficiaire l’autorise.
Si l’attribution des aides et le blanchiment ne sont pas suffisamment contrôlés, quels sont les risques ?
La mafia sort renforcée du Covid et cela va perdurer avec la crise économique qui se profile. Plus les commerces seront sauvés par la mafia, plus les gens travailleront pour ces organisations, plus ce sera difficile de lutter contre les activités mafieuses. (...)
S’il n’y a pas suffisamment de contrôle contre le blanchiment, ces organisations pourraient aller blanchir dans d’autres régions européennes comme la Hollande (un paradis fiscal), l’Allemagne (connue pour son blanchiment d’argent sans mesure) et la France, où la mafia est déjà active à Nice et à Marseille.
Ce sera l’impunité et les mafieux pourront reconstruire sur la Costa del Sol, dans la City de Londres... tout sera justifié et amplifié au nom du redémarrage de l’économie. (...)