
« Dans les foyers de l’aide sociale à l’enfance, dans l’armée, le corps médical, ou les milieux religieux », des mécanismes organisent « la loi du silence », dénonce une association
Elle isole les victimes et favorise l’impunité des auteurs et la réitération des agressions : dans des institutions comme l’armée, l’Église, ou les foyers pour enfants, l’"omerta" face aux violences sexuelles perdure, mais commence à se fissurer face au changement de regard de l’opinion publique. (...)
« Les citoyens s’approprient le sujet, mais on note toujours énormément de résistances. (...)
Qu’elle vise à éviter le scandale, ou à préserver des supérieurs hiérarchiques qui ont su mais n’ont rien fait, la loi du silence a toujours des répercussions sur les victimes. « Elle entraîne une grande solitude. Face à cette effroyable incapacité d’indignation, on se sent seul », souligne Alexandre Hezez, l’un des fondateurs de l’association « La Parole libérée », qui regroupe des anciennes victimes du prêtre pédophile lyonnais Bernard Preynat. Si l’enfant parle, « il risque d’être brisé socialement, alors qu’il l’est déjà intimement ».
Depuis quelques années, l’omerta est cependant « moins forte » sur ces questions, dans la société en général et au sein du « peuple catholique » en particulier, observe François Devaux, le président de cette association. Même si, selon lui, l’Eglise, en tant qu’institution, n’a « pas du tout » avancé sur ce point.
« La double peine » des victimes dans l’armée
L’armée française, de son côté, a mis en place en 2014 une structure chargée de recueillir les témoignages et de fournir un appui juridique aux femmes ayant subi des violences sexuelles dans les casernes. Une initiative qui faisait suite au choc provoqué par un livre-enquête dénonçant la gestion calamiteuse des agressions sexuelles et viols au sein de la « Grande muette ». (...)
les officiers préfèrent étouffer les affaires plutôt que de voir remise en cause la manière dont ils gèrent leurs subordonnés.
Toutes les femmes rencontrées dans le cadre de cette enquête « ont dû quitter l’armée », témoigne Julia Pascual. « Elles ont été réformées pour inaptitude car elles ne pouvaient pas démissionner. C’est la double peine : on ne les pas a reconnues comme victimes, et on leur dit qu’elles sont inaptes, alors que nombre d’agresseurs sont restés dans l’armée, même après une condamnation pénale ». (...)
Dans les clubs de sport, où des enfants peuvent être victimes d’agressions sexuelles de la part d’entraîneurs ou d’animateurs, le « mur du silence » tourne parfois au « déni », selon la sénatrice (LR) Marie Mercier, qui a participé à plusieurs missions parlementaires sur ces sujets. Même les parents participent à cette omerta : « ils ont tellement envie que leurs enfants aient les meilleurs résultats qu’ils ne voient pas les signaux d’alerte ». « Et puis les gens se disent ’vous vous rendez compte, si cela se sait, le club va fermer, et tous nos équipements sportifs seront perdus’ ».
Dans les institutions accueillant des enfants placés, là aussi, « trop de faits restent dans les tiroirs », dénonce Marielle Vicet, une psychanalyste et victimologue qui a réalisé des recherches universitaires sur le sujet. Les responsables de ces structures hésitent à dénoncer les abus, de peur qu’on remette en cause leurs compétences. (...)
Dans de tels cas, même l’administration de l’Etat peut entretenir l’omerta : les fonctionnaires craignent qu’une dénonciation « entraîne la fermeture de l’établissement ». « Ils se disent : vu le manque de places, que va-t-on faire des enfants ? »