
Facebook et sa filiale Instagram ont dû résilier le contrat qu’ils avaient signé avec Geofeedia, une société spécialisée dans la surveillance géolocalisée des réseaux sociaux, qui louait ses services à des services de police. Twitter est le seul qui dispose d’une politique interdisant l’utilisation de ses API à des fins de surveillance, et à l’avoir fait respecter.
La branche californienne de l’American Civil Liberties Union (ACLU) a dévoilé mardi que Facebook, sa filiale Instagram et dans une moindre mesure Twitter, avaient signé des accords avec l’éditeur de la solution Geofeedia pour donner accès à des informations géolocalisées sur les utilisateurs et leurs activités. Or Geofeedia vend son outil à des services de police, et a notamment été utilisé à Baltimore pour surveiller les manifestants du mouvement « Black Lives Matter », et pour en arrêter certains.
S’inscrivant pour la police dans une logique croissante de renseignement à sources ouvertes (OSINT), l’outil de Geofeedia — qui est par ailleurs vendu à des médias ou à des services marketing — vise à faciliter l’agrégation et le tri en temps réel de données issues des réseaux sociaux, en permettant aux forces de l’ordre de délimiter une zone géographique très précise. On peut alors voir tous les messages envoyés à partir de cette zone, et les consulter dans une interface unifiée. (...)
Au regard des révélations de l’ACTU, Instagram a décidé de couper l’accès donné à Geofeedia à son API le 19 septembre dernier, tout comme sa maison-mère Facebook. Twitter avait déjà pris des mesures contractuelles dès le mois de février 2016 pour interdire à Geofeedia d’utiliser les données dans le cadre de programmes de surveillance, et a envoyé une mise en demeure de respecter ces conditions dès le 11 juillet 2016. (...)
Des trois réseaux sociaux concernés, seul Twitter dispose d’une politique claire qui interdit d’utiliser ses API à des fins de surveillance de la population. Elle est détaillée à l’article VII.A de son contrat pour les développeurs (...)
L’ACTU appelle donc tous les réseaux sociaux à suivre le même type de politique. Car même si la surveillance à sources ouvertes est une zone légale grise, qui profite du fait que tout ce qui est sur les réseaux sociaux n’est pas privé, des questions éthiques se posent tout de même. Qu’est-il possible de faire en agrégeant continuellement l’activité publique de tous les citoyens, qui ne pensent communiquer que dans des cercles d’amis ?
Aux États-Unis, la crainte est qu’un outil comme Geofeedia ne soit utilisé pour surveiller spécifiquement des quartiers noirs, en surveillant des mouvements comme Black Lives Matter. En Europe, où l’on veut désormais s’inspirer de ce que fait Israël en la matière, les craintes sont aussi que des algorithmes soient définis qui permettent de surveiller certains groupes de population en fonction de leur niveau socio-économique visible à travers les réseaux sociaux, leur lieu d’habitation, de travail, leur religion ou leurs fréquentations. La frontière est extrêmement poreuse entre la surveillance légitime et la discrimination, parfois basée sur des études biaisées ou de fausses idées reçues. (...)