
Le tribunal de grande instance de Rodez a instruit le procès d’un militant anti-éolien, accusé de « violences volontaires » « avec jet de feuilles d’origine végétale ». La police a porté plainte. Reporterre a assisté à l’audience.
"Ce ne sera pas très long, vu la teneur des faits », lance le juge, en préambule. Puis il s’adresse à l’accusé, Xavier Auboux, électricien intérimaire dans le sud de l’Aveyron : « Vous avez participé le 21 janvier dernier à une manifestation à Rodez, contre l’implantation d’éoliennes. » Comme Reporterre l’a raconté, cette manifestation joyeuse et festive sillonna la ville jusqu’à se terminer devant la préfecture de Rodez où les manifestants étaient invités à « apporter de la terre pour enfouir leurs projets ».
Et c’est ce qu’ils firent, vidant des sacs de terre, branches, feuilles humides juste devant les forces de l’ordre. L’ambiance se tendit alors. Ça se frottait, se bousculait au premier rang et quelques coups furent échangés. Un policier tentant d’attraper une banderole fut frappé avec un bout de bois et reçu des coups de pied. En réponse, les CRS sortirent brutalement de l’intérieur du bâtiment et aspergèrent de gaz lacrymogènes les manifestants (et leurs collègues policiers) jusqu’à ce que le groupe reculât, puis, après une prise de parole au mégaphone et un verre de vin chaud, se dispersâf (...)
D’abord accusé d’avoir frappé le policier au sol, il a vite été disculpé de cette première accusation par la caméra de vidéosurveillance. « Que les choses soient claires, insiste le procureur lors de l’audience du 10 octobre, il n’y a pas d’ambigüité : il y a eu des coups contre un policier, mais vous n’êtes pas poursuivi pour ça. »
« C’est dégradant, avilissant »
Alors, pourquoi se retrouve-t-il neuf mois plus tard sur le banc des accusés de ce tribunal ? « Sur la vidéo, on vous voit déverser un sac de feuilles sur un policier », affirme le juge. « Non, sur le tas qui était déjà à terre », conteste le manifestant. Mais voilà. Un policier a porté plainte contre lui pour « violences volontaires aggravées avec jet de feuilles d’origine végétale sur personne dépositaire de l’autorité publique ». Violence qui n’entraine pourtant aucune interruption temporaire de travail ni avis médical. (...)
À la sortie, les militants ne peuvent s’empêcher de plaisanter sur la létalité supposée des feuilles : « Il faut vraiment avoir une méconnaissance totale du processus de décomposition des feuilles pour dire que c’était de la tourbe ! » dit l’un. Pour Xavier, « c’est un procès contre une manifestation, parce qu’on embête avec notre opposition au projet de transformateur ». Au milieu du groupe, Bruno Ladsous, venu représenter les collectifs aveyronnais anti-éoliens en soutien à Xavier : « C’était une manifestation au départ pacifique où des femmes, des enfants et des vieillards ont reçu des jets de gaz lacrymogènes et des violences policières inadmissibles. » (...)
Et d’ajouter : « Nous aussi, on aurait pu porter plainte pour des violences ! » Des témoignages ont été recueillis sur la brutalité soudaine des CRS à la fin de l’affrontement. Mais la lettre de protestation envoyée au préfet est restée sans réponse. Comme les nombreuses plaintes contre les violences policières survenues ces derniers mois et dernières années. Et comme ces « feuilles d’origine végétale », qui chutent dangereusement des arbres chaque automne. Gageons que, d’ici au délibéré, le 14 novembre, elles n’auront blessé personne