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France 2 et Michel Drucker donnent leurs ordres : nous sommes tous des policiers et des gendarmes !
Article mis en ligne le 23 septembre 2015

Le 12 juillet 2015, France 2 diffusait une émission, enregistrée le 30 juin et intitulée « Une nuit avec la police et la gendarmerie », présentant différents aspects du travail des policiers et des gendarmes, avec à la manœuvre, Michel Drucker. Une complaisante opération de mélange des genres virant à la propagande qui n’est pas la première de la part de la chaîne et de son animateur emblématique.

Après les assassinats perpétrés d’abord à Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, puis le lendemain à Montrouge et enfin le 9 janvier dans le magasin Hyper Casher de la Porte de Vincennes, les médias dominants sont unanimes : les Français aiment leur police et leur gendarmerie. De nombreuses images reprises en boucle montrent alors des manifestants leur déclarer leur « flamme », notamment lors de la manifestation parisienne du 11 janvier [1].

C’est ce qu’entend « rappeler » le colonel de réserve de l’armée de l’air Michel Drucker [2] le 12 juillet [3] à l’antenne : « Depuis le mois de janvier, on ne verra jamais des Français qui ont jamais été aussi proches de leurs policiers et de leurs gendarmes, de leur gendarmerie » [4]. Comment s’étonner alors qu’en plateau, le directeur général de la police nationale, Jean-Marc Falcone reprenne la même polyphonie : « Les Français ont montré qu’ils aimaient leur police nationale et leur gendarmerie nationale. »

France 2 et le ministre de l’Intérieur à l’unisson

Le contraire aurait été étonnant puisque la chaîne et la Place Beauvau ont travaillé de concert. (...)

Un tournage sous l’étroit contrôle du « premier flic de France », ce qu’il confirme sans le moindre scrupule au micro de Jean-Marc Morandini le 8 juillet sur Europe 1 : « On a tourné pendant six mois, on a tourné ça depuis le ministère de l’Intérieur, sous le patronage, sous le parrainage de Monsieur Cazeneuve. » (...)

… une intense séance de « calinothérapie »

Les presque 2 heures 50 d’émission se résument en effet à cet exercice, le journalisme étant rangé aux vestiaires, aucune fausse note ne devant ternir ce grand moment de communion nationale derrière « nos » forces de l’ordre. (...)

Pour qu’aucune « ligne jaune » ne puisse être franchie, Michel Drucker rassure : la plupart des artistes « ont été choisis par les policiers et les gendarmes ». (...)

Critique interdite

Aucune fausse note n’étant admise, aucune allusion n’intervient sur des sujets susceptibles de briser l’idylle entre les Français, leur police et leur gendarmerie : par exemple le viol présumé d’une touriste canadienne dans les locaux de « l’antigang » qui vaut à deux de ses membres une mise en examen pour « viol en réunion », les violences policières pourtant régulièrement dénoncées, y compris par des organisations comme Amnesty international, le comité des droits de l’homme de l’ONU ou le défenseur des droits, qu’on ne peut soupçonner de phobie envers les forces de l’ordre, les nouveaux pouvoirs exorbitants donnés aux policiers et gendarmes par la loi sur le renseignement mettant en danger la protection des sources des journalistes [15], mais aussi la dégradation des conditions de travail des policiers et gendarmes dénoncée par toutes les organisations syndicales, avec, comme face la plus dramatique, un nombre très important de suicides [16].
(...)

Cette absence de véritable travail journalistique est un échec pour Michel Drucker qui s’était pourtant promis de « transformer [les] artistes [prêtant leur notoriété à l’opération] en journalistes » [18].

France 2 et Michel Drucker : les multi-récidivistes

Nous n’avons trouvé aucune trace d’une campagne médiatique exigeant des sanctions exemplaires pour la violation par la chaîne publique et son animateur vedette des dispositions de la « Charte des antennes de France Télévisions » (...)

La liste des émissions de Michel Drucker faisant la promotion des forces de l’ordre est longue (voir annexe). Le 5 mai 2010, dans un document titré « Drucker – Gendarmerie : Encore une coproduction » le site Arrêts sur images pointait déjà, en renvoyant à la consultation d’articles publiés par Libération, l’Obs Média ou Marianne, les liaisons dangereuses entre l’animateur et les différentes autorités publiques pour la confection de différentes émissions. (...)

Il est vrai que France 2 n’est pas la seule à faire une promotion appuyée de la police, de la gendarmerie, ou de l’armée.

Lors de chaque défilé du 14 juillet, TF1, mais aussi BFM TV et I télé notamment livrent une lutte sans merci à la chaîne financée par la redevance pour savoir qui décrochera la médaille d’or du plus militairement servile. (...)

Dans son livre Les 500 émissions mythiques de la télévision française, co-écrit avec Gilles Verlant [25], Michel Drucker se souvient de la période, avant même la création de l’ORTF [26] en 1964, où « l’information de l’époque, et ce, même après les évènements de mai 68, [était] contrôlée et censurée directement par le ministre de l’information Peyreffite ».

Aujourd’hui, nul besoin d’un tel arsenal, l’autocensure et la complaisance se révélant largement aussi efficaces…