
Le 11 septembre, une employée de France Télécom se jette par la fenêtre de son lieu de travail. C’est le vingt-troisième suicide en dix-huit mois au sein du groupe. Magie du chiffre 23 ? Besoin d’intercaler de la chair fraîche entre deux tranches de grippe A ? Du jour au lendemain, la « vague de suicides » monte jusqu’aux oreilles des médias, qui se découvrent un intérêt foudroyant pour les maltraitances dans le monde du travail. Des journalistes qui hier encore pleuraient sur le sort des grandes fortunes bannies à Bruxelles s’émeuvent à présent de la détresse du petit personnel harcelé par les « kapos ».
...Faut-il en conclure que les journalistes sont sourds ?
... Le Plan B, qui n’a pas perdu la mémoire, se souvient qu’en décembre 2002 le « programme d’amélioration des performances opérationnelles » (TOP) édicté par le PDG Thierry Breton n’avait pas inquiété les médias. Ce plan imposait aux salariés de France Télécom 15 milliards d’euros d’économies sur trois ans, 22 000 licenciements et un dressage au martinet managérial pour les réchappés de la charrette. Lesquels moururent « à la même cadence qu’aujourd’hui », signale au Plan B Jean-Michel Gaveau, représentant de la CGT au conseil d’administration de France Télécom. Dûment avertie, la presse écrite nationale – hormis L’Humanité – haussa les épaules. À la télévision, seule la chaîne France 3 diffusa un minuscule sujet...
...les journalistes savaient aussi faire preuve d’une grande qualité d’écoute. Comme en 1997, quand l’entrée en Bourse de France Télécom a provoqué une vague d’allégresse au sein du PPA. « Jour de fête aujourd’hui à la Bourse de Paris, exultaient Les Échos. Le champagne est sorti pour célébrer l’impensable, la mise en Bourse de l’une des plus prestigieuses administrations de France : la direction générale des télécommunications, rebaptisée en 1990 France Télécom » (20.10.97)...