
(...) Fin avril 2015, Delphine Ernotte-Cunci a été nommée à la direction de France Télévisions dans des conditions dont l’opacité a été maximale et dont la régularité est des plus douteuses [1]. Désormais aux commandes, elle est, en principe, en mesure de mettre en application son « Projet stratégique pour France Télévisions : un projet qui s’évalue en fonction des objectifs qu’il propose et des moyens dont il dispose.
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1. En guise de préambule : Des contraintes étouffantes
Le « projet » de Delphine Ernotte est un projet sous contraintes. Le contrôle du CSA et la double tutelle du ministère de la Culture et du ministère des Finances (le second l’emportant sur le premier) sont assumés sans discussion. (...)
Déjà structurellement sous financée, la télévision publique est déstabilisée, fragilisée et constamment déficitaire depuis l’arrêt de la publicité après 20h décidée en 2008 par Sarkozy. Supprimer la publicité ? Oui. Mais pas dans ces conditions, disions-nous alors. (...)
Comment faire face à ce sous-financement ? Pour éviter un déficit prévisible estimé par la direction à 120 millions d’€ d’ici 2020, la recherche d’économies continuera d’être le « projet stratégique » majeur de France Télévisions. (...)
2. Des productions privées pour un service public (...)
Le rachat de la société Newem par TF1 est devenu le symbole d’un système proprement scandaleux qu’il est urgent de revoir. (...) la chaîne privée TF1 met la main sur un catalogue de fictions et d’émissions entièrement financées par la télévision publique qu’elle pourra rediffuser et commercialiser à sa guise. (...)
3. Du management avant toute chose
Premier objectif du « projet stratégique » de Delphine Ernotte : « Restaurer la confiance ». Traduction : « Du management avant toute chose » [3]. (...) Autrement dit, le plus souvent, à faire avaler des couleuvres aux salariés du groupe, à commencer par les conséquences du sous-financement sur l’emploi et les conditions de travail. (...)
4. Des rédactions fusionnée et centralisées
Pour ce qui concerne les rédactions de France télévisions, Delphine Ernotte entend poursuivre le plan « Info 2015 » lancé avant son arrivée. Il prévoit la fusion des rédactions nationales de France 2 et de France 3 placées sous la responsabilité d’un directeur unique de l’information (...)
Comment une telle fusion peut-elle garantir la spécificité des différentes chaînes, l’indépendance des équipes rédactionnelle (qu’il s’agisse des JT ou des magazines) et les délibérations démocratiques des rédactions ? (...)
5. France 3, marginalisée, voire menacée
Delphine Ernotte se propose de renforcer l’identité des chaînes. En substance : France 2, « chaîne du flux » ; France 3, « chaîne du patrimoine et des territoires » ; France 4, « la référence pour la jeunesse ». France 5 « la chaîne des savoirs, de la connaissance, de l’éducation ». France Ô, « la chaîne des ultra-marins ». Chaque « identité » est problématique. Mais celle qui est la plus fragile, est celle de France 3, chaîne toujours menacée. (...)
6. Une « chaîne de la compréhension » en continu
Une chaîne d’information en continu pour tablettes et smartphones - une plateforme numérique en partenariat avec d’autres entreprises publiques comme Radio France, l’INA ou France 24 - est annoncée pour septembre 2016. Si le projet d’une chaîne d’information publique depuis longtemps dans les cartons n’est pas contesté, les choix éditoriaux et la question des moyens sont beaucoup plus problématiques. (...)
Va-t-on vers une autre chaîne d’information de flux low cost avec la pensée unique en boucle dont le paysage médiatique est déjà saturé ? Qui peut croire qu’avec des effectifs constants, les journalistes ne voient pas s’accentuer la détérioration des conditions de travail que nous avons déjà mentionnée ? (...)
La direction de France Télévisions semble consciente des enjeux et annonce sa mobilisation sur les contenus. Mais, sous financée, privée des droits sur ses propres productions, assujettie au pouvoir public, la télévision publique est condamnée à rechercher des recettes pour survivre, sans disposer des moyens de se déployer comme une composante d’un véritable service public de l’information et de la culture. (...)