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Fraude sociale : les mauvais comptes font les bons ennemis
Samuel Gontier
Article mis en ligne le 13 septembre 2019

“Aberrant”, “croquignolet”, “ahurissant”… La semaine dernière, un rapport sur la fraude aux prestations sociales sidérait JT et talk-shows. L’occasion de pointer les coupables en affichant un racisme décomplexé.

« Fraude sociale : le rapport qui accuse », titre France 2. « Fraude sociale : le rapport vérité », clame David Pujadas sur LCI. « Une info extraordinaire ! », s’emballe Pascal Praud sur CNews. « Deux parlementaires pointent les chiffres aberrants de l’administration », annonce Anne-Sophie Lapix. La semaine dernière, un nouveau scandale révèle que la France compte, outre des millions d’assistés, à peu près autant de fraudeurs. (...)

« Dans les fichiers de l’Insee, nous sommes 110 millions d’inscrits, développe le 20 heures de France 2, 26 millions sont déclarés décédés, il reste donc 84 millions de personnes qui ont potentiellement droit à des prestations sociales et donc à une carte Vitale. » Ah bon ? Il suffit d’être inscrit dans un fichier de l’Insee pour bénéficier de la Sécu ? Je croyais naïvement qu’il fallait cotiser. « Autre aberration, 14,7 millions de centenaires sont référencés dans les fichiers dont 3,1 millions seraient en vie. En réalité, ils ne sont que 15 000 en France. » C’est insensé. « Selon les auteures du rapport, ce système de fichage ferait le jeu des fraudeurs. » Surtout des fraudeurs morts.

« Nos travaux montrent que l’on a un nombre de personnes sur le territoire qui bénéficient de prestations auxquelles elles n’ont pas droit, explique Nathalie Goulet, sénatrice UDI et co-auteure du rapport. Soit parce qu’elles sont sur le territoire dans des conditions non conformes au droit de séjour… » Maudits étrangers. « … Soit des étudiants Erasmus qui ont quitté le territoire et qui donnent leur carte à leurs amis pour qu’ils continuent à bénéficier de prestations. » Maudits étrangers. (...)

« L’État est-il naïf ou impuissant, voire complaisant ? », questionne David Pujadas avec son incomparable sens de la nuance. (...)

Alors que le bandeau interroge « fraude sociale : qui sont les tricheurs ? », David Pujadas propose : « Ecoutez la réaction de cette élue du Rassemblement national, Edwige Diaz. » Une experte en statistiques, j’imagine. L’élue questionne : « Est-ce qu’on va oser s’attaquer à des problèmes comme celui de l’immigration ? » Ça se confirme, c’est la faute des étrangers. « On sait très bien qu’il y a des personnes polygames qui touchent différentes aides sociales alors que les mères ne sont pas des mères isolées. » Des étrangers polygames. Donc musulmans. Bref, des grands remplaçants. (...)

La sénatrice tient à préciser : « La fraude sociale, ce n’est pas le fait des pauvres. » Plutôt des étrangers, si j’ai bien suivi. « Les gens qui sont dans le besoin sont des gens très dignes, il y a d’ailleurs un gros problème de non recours aux droits. » Merci de le mentionner. « La fraude, c’est souvent le fait de systèmes très organisés, des filières qui ont pénétré les caisses d’allocations familiales. » La sénatrice prend l’exemple d’une filière ukrainienne, preuve que c’est la faute aux étrangers.

« Quand on dit qu’il y a 3 millions de centenaires, se renseigne David Pujadas, ça signifie que des allocations sont versées sur les comptes de ces personnes décédées ? » « Pour l’instant, ce n’est pas un rapport terminé, élude Nathalie Goulet. C’est pour ça qu’on n’a pas donné de chiffres, on veut être extrêmement prudent. » En affirmant n’importe quoi. « Maintenant, il faut qu’on vérifie combien de ces cartes sont actives. » Des cartes ??? Quelles cartes ? « Combien de ces NIR, ces numéros d’immatriculation, donnent lieu à des prestations. » Euh, pardon, ce sont des cartes ou des numéros ? (...)

David Pujadas demande à Nathalie Goulet de réagir. « Il faut distinguer la nationalité des fraudeurs de celle qu’ils utilisent pour frauder, estime la sénatrice. Vous avez un tas de pays, notamment en Afrique de l’Ouest, où il n’y a pas d’état civil, et là c’est le far west. » Le problème vient donc des Ouest-Africains polygames ? « Mais le problème est bien au-delà du problème de l’immigration. » Il y a aussi les Ukrainiens et les étudiants Erasmus. (...)

« Ce que vous faites est primordial, salue le sarkozyste Franck Louvrier. L’État n’est pas capable de gérer sa data. Parce qu’on n’a pas mis les moyens, parce qu’il y a eu des freins. Quand je vois en ce moment tout le débat sur la reconnaissance faciale, on dit : “Oh, surtout pas !” » Alors qu’elle permettrait de détecter les polygames sans coup férir. « On est géré par la Cnil, Commission nationale informatique et libertés, de 1978 !, s’insurge le conseiller régional, brandissant son téléphone. Vous imaginez, en 1978, même cet objet-là n’existait pas ! Et voilà le résultat, on se retrouve avec 14 millions de centenaires. » A cause de la Cnil, complice des fraudeurs. (...)

La sénatrice confirme : « Ce qui arrive dans la poche des fraudeurs à l’assurance maladie, c’est ce qui ne va pas dans le salaire des infirmières, dans le traitement des urgences. C’est extravagant. » Je comprends mieux pourquoi il y a crise (et grève) dans les services d’urgence. C’est à cause des Bamboulas polygames et des mafias ukrainiennes. (...)

Dans L’heure des pros, le lendemain sur CNews, Gérard Carreyrou révèle : « Il se trouve que pour des raisons personnelles de santé, je vais régulièrement à l’hôpital et, en salle d’attente, je discute avec des dames qui viennent des îles, qui sont sympathiques. Elles me racontent des histoires sur l’utilisation des cartes Vitale où quinze personnes utilisent la même carte. » Les Antillais ! Comment n’y ai-je pas pensé ! (...)

« Ce n’est pas parce que vous avez la carte Vitale que vous avez des droits, proteste Céline Piques, porte-parole d’Osez le féminisme. Du jour au lendemain, une carte Vitale peut être désactivée si on est chômeur en fin de droits. » Et d’ajouter : « Il y a quelque chose qui est beaucoup plus massif que la fraude, c’est le non-recours. » « Ce n’est pas notre sujet, l’interrompt Pascal Praud. Là, on est sur les fraudes. Ne mélangez pas parce que là je suis perdu. » (...)

« Y a un problème de contrôle, soutient Gérard Leclerc. Tout contrôle en France est assimilé à du flicage. C’est ce qui se passe à Pôle emploi. » Résultat, les chômeurs s’en mettent plein les poches. (...)

Le chroniqueur Jean-Louis Burgat, connu pour son amour des Gitans, prend du recul : (...)

« On a l’impression que les simplifications n’arrivent pas dans ce pays pour pouvoir faire vivre 5 millions de fonctionnaires. » Les feignants de fonctionnaires, j’allais les oublier ! Cette fois, je crois qu’on a fait le tour des coupables. A l’issue de deux jours de débats télévisés, les responsables de la fraude aux prestations sociales sont : les étudiants étrangers, les Ukrainiens, les polygames d’Afrique de l’Ouest, les Antillais et les fonctionnaires.