
C’est le nouveau combat de Nicolas Sarkozy. Depuis quelques mois, l’administration épluche les dossiers de retraite des travailleurs venus d’Afrique du Nord et, sous prétexte de fraude, supprime leurs aides sociales.
(...) Avec la nouvelle politique du gouvernement Fillon, qui a déclaré ouverte la chasse au fraudeur social, des chibanis de plus en plus nombreux vont vivre le même sort en France. La plupart d’entre eux, comme Ousmane H., n’ont pas fraudé, ils ont simplement mal géré leur dossier. (...)
Ousmane H. représente l’archétype du retraité pauvre : cumulant quelques mois de chômage et plusieurs trimestres non déclarés par ses employeurs, il se retrouve à 65 ans avec une pension de 161 euros par mois... Pour compléter son revenu, il a eu droit à 33 euros de majoration pour trois de ses six enfants à charge et à l’allocation de solidarité aux personnes âgées (l’Aspa, qui remplace les anciennes prestations liées au minimum vieillesse). Total : 742 euros. Cette somme composant sa retraite, Ousmane entendait la partager avec sa famille restée au Maroc, comme il le faisait jadis avec son salaire.
Mais pour toucher les 742 euros du minimum vieillesse, il faut résider au moins six mois et un jour par an en France. A ne pas confondre avec les allocations logement, les APL, pour lesquelles il faut y résider huit mois. Ousmane H. ne sait ni lire ni écrire. Il affirme que personne ne lui a jamais expliqué ces règles de résidence. En 2009-2010, sa première année de retraite, il passe dix mois sur douze avec sa famille au Maroc : sa femme, gravement malade du coeur, a besoin de lui. Lorsqu’il revient au foyer parisien en mars 2011, il y trouve un courrier le convoquant à la Cnav, la Caisse nationale d’assurance vieillesse
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"Je vais au rendez-vous et je suis reçu par une contrôleuse. Elle me demande mon passeport, vérifie tous les visas et calcule que je n’ai pas passé assez de temps en France, que je ne remplis plus les conditions de résidence. Elle me dit que j’ai touché trop d’argent et qu’il va me falloir rembourser. Je m’étonne, j’explique que je ne comprends pas ce qui m’arrive, elle me dit que je suis un tricheur."
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Nous avons contacté la responsable de la lutte contre la fraude de l’assurance vieillesse, Brigitte Langlois-Meurinne. Son bureau est au siège de la Cnav, à Paris, dans le XIXe arrondissement. "Il s’agit de la dérive individuelle d’une salariée, nous assure-t-elle. Notre caisse a avant tout une vocation sociale, mais on ne peut pas mettre un surveillant derrière chaque agent."
Nous avons joint la Caisse d’allocations familiales. Le cas d’Ousmane H., qui se défend d’être un fraudeur, peut-il être réexaminé ? "En effet, dans le cas dont vous parlez, il ne semble pas qu’il y ait fraude. J’imagine que l’on a considéré la durée de son absence de France comme une fraude... Maintenant, si ce monsieur a de nouveaux éléments, nous pouvons les examiner."
Chloé M., l’assistante sociale d’Ousmane H., reprend l’ouvrage et transmet à l’administration de nouvelles pièces : le dossier médical complet du couple, qui justifie la longue présence du mari auprès de sa femme au Maroc. Quelques jours plus tard, Ousmane H. reçoit un nouveau courrier. La Caisse d’assurance vieillesse lui annonce qu’elle rétablit le versement des 742 euros de son minimum vieillesse. Le chibani remplit à nouveau les fameuses conditions de résidence puisque, n’ayant plus les moyens d’un voyage au Maroc, il vit en France désormais plus de six mois par an (...)
Mais l’ardoise du chibani "fraudeur" n’est pas pour autant effacée. Ousmane H. doit toujours rembourser les 27 000 euros d’allocations qu’il a touchés alors qu’il résidait davantage au Maroc qu’en France.
Ce mois-ci, le député socialiste Daniel Vaillant va adresser une question écrite au gouvernement (...)