
Si comme le disent les promoteurs du tunnel, une nouvelle ligne "gommant les Alpes" doit redonner une place concurrentielle au rail, nous devrions trouver sur plus de 70 % du réseau ferré français "de plaine" une activité fret ferroviaire florissante.
Le 1er août 2012, la Cour des comptes pointait ces limites, en rappelant dès la première page : "Le choix technique a été retenu de réaliser un tunnel de base de grande longueur alors que sur d’autres tronçons, d’autres États (Slovénie, Hongrie) ont opté, pour des raisons financières, pour une modernisation progressive des voies existantes. Il apparaît que d’autres solutions techniques alternatives moins coûteuses ont été écartées sans avoir toutes été complètement explorées de façon approfondie". (...)
La signature, le 25 août dernier de la déclaration d’utilité publique par le premier ministre, donne l’occasion de réfléchir à la part imputable aux infrastructures et à la pertinence d’un projet de près de 30 milliards, alors que l’on avait compris le 9 juillet dernier, que Jean Marc Ayrault faisait siennes les conclusions de la commission "Mobilité 21", reportant ce projet après 2030 du fait de l’absence de saturation avant 2035/2040.
Le même rapport précisait que la réalisation du projet Lyon Turin interdisait tout financement des autres infrastructures en absorbant la totalité des moyens disponibles pendant de longues années.
Le projet Lyon Turin est l’occasion d’approcher les raisons expliquant le déclin de l’activité fret ferroviaire dans les Alpes et l’absence de report modal malgré des ambitions affichées dès 2002. Sont-elles limitées à l’infrastructure et le projet de nouvelle ligne est-il une réponse pertinente ?
Identifier les causes et origines des difficultés de l’activité fret ferroviaire dans un relief montagneux avec une ligne existante, sur laquelle vient d’être investi près d’un milliard, doit permettent de formuler des propositions localement et sans doute, de les décliner pour le reste du territoire. (...)
Si l’on constate que la rigidité de l’exploitant ferroviaire n’est pas compatible avec la demande et qu’une adaptation est incontournable, à l’inverse il n’est pas envisageable de laisser perdurer un système de transport routier polluant et dangereux pour la santé publique.
L’évolution des transports doit donc tenir compte à la fois des nécessités incontournables en intégrant les notions de réactivité, de souplesse et de temps de transfert, tout en imposant une réduction des risques pour la santé publique, par l’exposition des populations aux émissions des moteurs diesel à l’origine de nombreux cancers du poumon, comme l’a déclaré l’OMS. (...)
L’organisation des exploitants ferroviaires doit également évoluer, mais sans évolution du matériel roulant, l’adaptation aux besoins semble impossible. C’est donc une priorité pour l’activité fret ferroviaire sur l’ensemble du territoire. La région alpine, avec ses contraintes, est un espace de démonstration indiscutable.
Une nouvelle ligne à 30 milliards, loin d’améliorer l’exploitation du fret ferroviaire, constituerait un frein au développement de matériels roulants adaptés à la demande, intégrant les nouvelles technologies pour le futur. (...)