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G4S : quand l’entreprise privée veille sur votre sécurité
Article mis en ligne le 5 avril 2017

Le contexte sécuritaire qui est celui de l’Europe aujourd’hui ne fait pas que des malheureux, notamment du côté des firmes qui se sont spécialisées dans la sécurité et la surveillance. Parmi celles-ci, la britannique G4S, à laquelle de nombreux gouvernements sous-traitent leurs basses œuvres, depuis la gestion des prisons jusqu’à la déportation des migrants.

. Le nouveau monde « trumpien » dans lequel nous vivons va-t-il lui permettre de retrouver la santé financière, alors qu’elle avait été éclaboussée par de nombreux scandales ?

Qui est cette entreprise encore peu présente en France ? G4S se décrit elle-même comme le leader mondial des « solutions de sécurité ». D’origine britannique, cotée à Londres et à Copenhague, elle assure la surveillance d’aéroports, de ports, ou encore la gestion de transports de fonds. Elle emploie au total plus de 600 000 personnes dans près de 120 pays. La communication de la firme omet généralement de mentionner que G4S est également présente sur les Territoires palestiniens illégalement occupés, où elle est en charge de check-points et de prisons ; qu’elle s’occupe du rapatriement des personnes qui franchissent illégalement la frontière entre le Mexique et les États-Unis pour le compte du gouvernement étasunien ; ou encore, qu’elle effectue des missions dans de nombreuses zones de conflit ou pour le compte de régimes répressifs, notamment en Afghanistan, en Irak, au Bahreïn ou en Arabie Saoudite |1|.

Une entreprise qui profite de la violence grandissante du monde

« De bien plus de façons que vous ne pouvez l’imaginer, G4S sécurise votre monde » peut-on lire sur le site de la multinationale. La militante et philosophe Angela Davis ajoute : « De bien plus de façons que vous ne pouvez l’imaginer, G4S s’est insinué dans nos vies sous prétexte de sécurité et de sûreté de l’État : cela va des méthodes d’incarcération politique et de torture que subissent les Palestinien-es aux technologies racistes de séparation et d’apartheid ; du mur en Israël à celui qui longe la frontière américano-mexicaine, jusqu’à l’organisation carcérale de certaines écoles aux États-Unis |2|. » G4S profite de la menace terroriste et d’une ambiance de peur soigneusement entretenue par nos gouvernements pour apporter une réponse sécuritaire. Mais celle-ci ne s’attaque pas aux causes mais génère au contraire un climat propice aux abus, qui ne fait qu’alimenter la paranoïa et les carnets de commandes des entreprises qui disent œuvrer pour notre « sécurité ». (...)

il n’y a pas que l’industrie de l’armement qui se porte bien. Une multitude de firmes dites de « sécurité » profitent de la gestion calamiteuse des flux migratoires et de la criminalisation des sans- papiers. C’est précisément l’un des principaux terrains d’action de G4S. (...)

la mort de Jimmy Mugemba restera « inexpliquée » malgré le témoignage accablant de Louise Graham de la British Airways qui travaillait ce jour-là à bord du vol BA77 en partance de Londres pour Luanda. « Du personnel mal entraîné qui ne rend de compte à personne ne devrait pas mener d’expulsions forcées. Il n’est pas étonnant qu’il y ait beaucoup de signalements de traitements inappropriés », déclara alors Oliver Sprague, d’Amnesty International au Royaume-Uni. Deux semaines après le drame, la compagnie a perdu le marché du rapatriement des expulsés dont elle avait le monopole depuis 2005. Le contrat, qui lui a rapporté quelques 110 millions de livres (125 millions d’euros) en cinq ans, a pris fin au profit d’une firme concurrente, la Reliance Security Task |3|.

Cette même année 2010, la compagnie a dû affronter quarante-huit plaintes déposées par des personnes détenues dans les centres qu’elle gère |4|. Ce qui ne l’a pas empêchée d’engranger des contrats ailleurs, comme aux États-Unis ou en Australie, où elle a été en charge du centre de détention offshore de Manus Island, théâtre d’émeutes et de l’assassinat d’un demandeur d’asile iranien de 23 ans, Reza Barati, en 2014. La firme est aussi désormais très présente en Grèce, où elle assure la sécurité de camps de réfugiés pour le compte de l’Union européenne. (...)

G4S : quand l’entreprise privée veille sur votre sécurité

4 avril par Jérôme Duval
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CC - Flickr - Palestine Solidarity Campaign

Le contexte sécuritaire qui est celui de l’Europe aujourd’hui ne fait pas que des malheureux, notamment du côté des firmes qui se sont spécialisées dans la sécurité et la surveillance. Parmi celles-ci, la britannique G4S, à laquelle de nombreux gouvernements sous-traitent leurs basses œuvres, depuis la gestion des prisons jusqu’à la déportation des migrants. Le nouveau monde « trumpien » dans lequel nous vivons va-t-il lui permettre de retrouver la santé financière, alors qu’elle avait été éclaboussée par de nombreux scandales ?

Un an tout juste après les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles, un secteur économique au moins apparaît comme florissant : celui de la sécurité. La filiale belge de la multinationale de la sécurité G4S a annoncé avoir embauché 1 610 nouveaux collaborateurs en 2016, contrats temporaires compris. Un chiffre « exceptionnellement élevé » selon les termes de l’entreprise, leader du marché belge, qui prévoit encore 1000 embauches supplémentaires en 2017, « dont 500 femmes ». Sa concurrente Securitas, elle, a embauché 1400 personnes en 2016 dans le pays. Une tendance qui se retrouve partout en Europe, ainsi qu’aux États-Unis, et dont G4S compte bien profiter pour redorer une image bien écornée par les scandales.

Qui est cette entreprise encore peu présente en France ? G4S se décrit elle-même comme le leader mondial des « solutions de sécurité ». D’origine britannique, cotée à Londres et à Copenhague, elle assure la surveillance d’aéroports, de ports, ou encore la gestion de transports de fonds. Elle emploie au total plus de 600 000 personnes dans près de 120 pays. La communication de la firme omet généralement de mentionner que G4S est également présente sur les Territoires palestiniens illégalement occupés, où elle est en charge de check-points et de prisons ; qu’elle s’occupe du rapatriement des personnes qui franchissent illégalement la frontière entre le Mexique et les États-Unis pour le compte du gouvernement étasunien ; ou encore, qu’elle effectue des missions dans de nombreuses zones de conflit ou pour le compte de régimes répressifs, notamment en Afghanistan, en Irak, au Bahreïn ou en Arabie Saoudite |1|.

Une entreprise qui profite de la violence grandissante du monde

« De bien plus de façons que vous ne pouvez l’imaginer, G4S sécurise votre monde » peut-on lire sur le site de la multinationale. La militante et philosophe Angela Davis ajoute : « De bien plus de façons que vous ne pouvez l’imaginer, G4S s’est insinué dans nos vies sous prétexte de sécurité et de sûreté de l’État : cela va des méthodes d’incarcération politique et de torture que subissent les Palestinien-es aux technologies racistes de séparation et d’apartheid ; du mur en Israël à celui qui longe la frontière américano-mexicaine, jusqu’à l’organisation carcérale de certaines écoles aux États-Unis |2|. » G4S profite de la menace terroriste et d’une ambiance de peur soigneusement entretenue par nos gouvernements pour apporter une réponse sécuritaire. Mais celle-ci ne s’attaque pas aux causes mais génère au contraire un climat propice aux abus, qui ne fait qu’alimenter la paranoïa et les carnets de commandes des entreprises qui disent œuvrer pour notre « sécurité ».

En constant développement depuis 2004, les ventes d’armes ont augmenté de 8,4 % ces cinq dernières années par rapport au cinq précédentes, d’après les récentes données du SIPRI. Mais il n’y a pas que l’industrie de l’armement qui se porte bien. Une multitude de firmes dites de « sécurité » profitent de la gestion calamiteuse des flux migratoires et de la criminalisation des sans- papiers. C’est précisément l’un des principaux terrains d’action de G4S.

Prestataire impliqué dans la gestion des centres de détention pour migrants et demandeurs d’asile au Royaume-Uni, G4S est aussi sous contrat avec l’État britannique pour organiser des « accompagnements » d’étrangers expulsés du territoire. C’est dans ce cadre que Jimmy Mubenga, 46 ans, père de cinq enfants et qui vivait en Angleterre depuis 16 ans, est décédé le 12 octobre 2010, vraisemblablement asphyxié afin d’étouffer ses cris, durant sa déportation sous la garde de trois agents de la société G4S. Ces derniers seront acquittés et libérés sous caution, et la mort de Jimmy Mugemba restera « inexpliquée » malgré le témoignage accablant de Louise Graham de la British Airways qui travaillait ce jour-là à bord du vol BA77 en partance de Londres pour Luanda. « Du personnel mal entraîné qui ne rend de compte à personne ne devrait pas mener d’expulsions forcées. Il n’est pas étonnant qu’il y ait beaucoup de signalements de traitements inappropriés », déclara alors Oliver Sprague, d’Amnesty International au Royaume-Uni. Deux semaines après le drame, la compagnie a perdu le marché du rapatriement des expulsés dont elle avait le monopole depuis 2005. Le contrat, qui lui a rapporté quelques 110 millions de livres (125 millions d’euros) en cinq ans, a pris fin au profit d’une firme concurrente, la Reliance Security Task |3|.

Cette même année 2010, la compagnie a dû affronter quarante-huit plaintes déposées par des personnes détenues dans les centres qu’elle gère |4|. Ce qui ne l’a pas empêchée d’engranger des contrats ailleurs, comme aux États-Unis ou en Australie, où elle a été en charge du centre de détention offshore de Manus Island, théâtre d’émeutes et de l’assassinat d’un demandeur d’asile iranien de 23 ans, Reza Barati, en 2014. La firme est aussi désormais très présente en Grèce, où elle assure la sécurité de camps de réfugiés pour le compte de l’Union européenne.

Bien qu’extrêmes, les cas de Jimmy Mubenga et Reza Barati ne sont pas isolés. Divers autres cas de violences criminelles et racistes impliquant directement des employés de G4S ont été également signalés. Omar Seddique Mateen, l’auteur présumé de l’attaque homophobe dans la boîte de nuit le Pulse, haut-lieu de la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) à Orlando en Floride, était employé de G4S depuis 2007. Il avait été soumis à des examens par l’entreprise à deux reprises, sans que celle-ci ne trouve rien de préoccupant. La fusillade a provoqué la mort de 49 personnes et fait 53 blessés le 12 juin 2016.

Le marché lucratif de la gestion des prisons au Royaume-Uni

Autre secteur en plein boom aux côtés celui de la « gestion » des migrants : les prisons. Là encore, G4S s’est positionnée pour tirer profit des politiques sécuritaires et de l’explosion de l’incarcération qui en découle. (...)

La prison de Birmingham, l’une des plus importantes du pays, est la première a avoir été transférée au secteur privé en 2011. C’est la société G4S qui a obtenu le contrat pour 15 ans. Elle recrute alors les candidats pour la sécurité « sans qualification ou expérience préalables requises », selon son site Internet |6|. Fin décembre 2016, lors des pires révoltes de détenus qu’ait connu le pays depuis les émeutes de la prison de Strangeways à Manchester en 1990, près de 600 prisonniers ont pris le contrôle d’une partie de la prison de Birmingham, après avoir subtilisé les clés d’un gardien. Le personnel de sécurité de G4S étant totalement dépassé, l’État a dû intervenir et envoyer ses escouades publiques spéciales, appelées « Tornado », pour remettre de l’ordre dans cet établissement. La ministre à la Justice Liz Truss a même demandé à G4S de payer la note des frais que cela impliquait pour l’État ! Dans trois autres établissements secoués par des émeutes, les prisonniers n’étaient plus autorisés depuis plusieurs jours à sortir de leur cellule en raison du manque de personnel... (...)

« La privatisation de notre service pénitentiaire devrait être considéré comme un scandale national et que cela se soit produit sans aucun débat public est honteux. (…) Il est moralement répréhensible que les entreprises profitent de l’incarcération des personnes et nous avons urgemment besoin d’un examen indépendant pour mesurer l’impact sur nos communautés, notre personnel et nos prisonniers |7|. »

En janvier 2016, un nouveau scandale éclabousse l’entreprise G4S. Suite à une enquête de la BBC dans un centre de jeunes délinquants de Rochester dans le Kent, le Medway Secure Training Centre, des accusations pour abus de violence et injures envers des jeunes de 14 à 17 ans ont été publiées dans la presse concernant le comportement du personnel exploité par l’entreprise de gardiennage G4S |8|. Forcée de réagir, G4S a mis à pied quatre de ses employés sur le champ. (...)