
Les mots en guerre, je veux dire les mots que les médias utilisent pour parler de la guerre, perdent leur sens au premier coup de canon. La poudre met le feu aux dictionnaires et ce qui voulait dire noir signifie blanc.
En ces heures les journalistes ont deux champs d’exercice pour leur sémantique, celui d’Ukraine où Poutine est « Hitler » et Svoboda « Gandhi », celui d’Israël où la politesse due à « un pays ami » a réussi à faire passer la langue militaire pour la vérité à répéter. (...)
Téléspectateurs et auditeurs vigilants, il y a longtemps que vous savez que l’armée Israélienne n’existe pas. Dans les hauts parleurs n’existe que « Tsahal », ce qui veut dire « Armée de Défense ». Un petit nom gentil qui fait que le missile est moins cruel quand il tombe. « Tsahal » ça fait nom de fleur, ou nom de gâteau, en tout cas un nom qui ne fait aucun mal. (...)
Depuis que les guerres n’existent plus et qu’elles sont remplacées par des « opérations de défense », des « guerres humanitaires », ou « d’ingérence », la langue s’est mise au pas. Comme « Tsahal », les légionnaires de Serval, au Mali, ne font que le bien autour d’eux à coups de « frappes » et « d’incursion ». (...)
Il est utile de remarquer que la traque des mots, dès qu’on parle du « conflit israélo-palestinien » (surtout pas de la colonisation), est un travail constant des censeurs. Ainsi, depuis Gaza, pour avoir décrit ce qu’ils voyaient, c’est-à-dire la mort massive, deux confrères américains ont été mutés. L’un de ces crétins, incapables d’apprendre le bon lexique de guerre, est une journaliste de CNN, vite déplacée à Moscou, l’autre un grand reporter de NBC rappelé à Chicago. L’important est de savoir qu’en choisissant les bons mots pour la dire, la guerre est beaucoup plus acceptable.