
Gentrification : dérivé du terme gentry qui désigne en anglais la petite noblesse, gentrification est un terme sociologique qui désigne le processus de remplacement de la population pauvre des quartiers populaires par une couche sociale supérieure, ainsi que l’ensemble des stratégies et mécanismes sociaux d’appropriation de l’espace qui l’accompagnent. Les termes français équivalents sont embourgeoisement ou plus familièrement boboïsation (qui relève plutôt du vocabulaire des médias).
Nous rassemblons dans ce minidossier deux articles et quelques vidéos. Les articles témoignent de deux modes d’intervention policière accompagnant les processus de gentrification à Paris et Londres : les harcèlements visant à l’éviction des « indésirables » de l’espace public, et la répression des modes expression de la contestation dans le champ artistique (musical), qui est une autre forme d’éviction de l’espace public.
Le premier, intitulé « La police et les indésirables » est publié par Magda Boutros, doctorante en sociologie à la Northwestern University (Illinois, USA) en accueil au Centre Maurice Halbwachs (Paris), à propos du procès de policiers du 12e arrondissement de Paris qui a abouti en avril 2018 à la condamnation de trois d’entre eux pour violences volontaires aggravées.
Le second, est un compte rendu de l’ouvrage Inner City Pressure, du journaliste britannique Dan Hancox, publié par Olivier Lamm dans Libération : cet ouvrage rend compte du lien entre la gentrification des quartiers d’East London et l’invention du grime, un style musical dont l’expression n’a cessé d’être réprimée par la police.
Nous faisons suivre l’article d’un échantillon de clips vidéos de grime : un circuit qui conduit à revisiter le film Stranger than Paradise, de Jim Jarmusch (1984), et nous amène en France avec Nekfeu (...)
En décembre 2015, dix-huit adolescents et jeunes adultes du 12e arrondissement de Paris déposaient une plainte pénale collective à l’encontre de onze policiers d’une même brigade : le Groupe de Soutien de Quartier (GSQ), surnommé la « brigade des Tigres » du fait de son écusson représentant un tigre fondant sur une proie. Les plaignants reprochaient aux policiers des violences physiques, des attouchements sexuels, des arrestations arbitraires, des destructions de biens et des injures racistes, à l’occasion de contrôles d’identité entre 2013 et 2015. Le 4 avril 2018, trois des policiers mis en cause ont été condamnés en première instance pour violences volontaires aggravées.
La plainte, parce qu’elle concernait un grand nombre de faits, reprochés aux mêmes policiers sur plusieurs années, a donné lieu à une enquête qui n’a pas seulement porté sur les faits dénoncés mais a également interrogé les pratiques quotidiennes de cette brigade, et les instructions qui lui étaient données. Au delà des preuves des faits de violence, l’enquête de la police des polices a révélé une pratique policière jusqu’ici peu connue, que les policiers appellent le « contrôle-éviction ». Il s’agit de contrôles d’identité dont l’objectif est de faire quitter les lieux à des personnes considérées comme « indésirables », même en l’absence d’infraction. Bien qu’il n’y ait aucune base légale à cette pratique, l’enquête a montré que la brigade des Tigres était missionnée par sa hiérarchie pour contrôler et « évincer » de l’espace public certaines populations, notamment des « regroupements de jeunes », composés principalement d’adolescents Noirs et Maghrébins issus des classes populaires.
Comment expliquer la perpétuation de telles pratiques policières en plein cœur de Paris ? (...)