
Alors que 2015 devait être l’année phare de la reconquête de la qualité des milieux aquatiques, la gouvernance de l’eau en France prend plus que jamais l’allure d’un bateau ivre. Les mises en garde du rapport du Conseil d’Etat (2010) puis du rapport Levraut (2013) n’y ont rien fait. La gestion du « grand cycle de l’eau » court à vau l’eau vers un chaos que plus rien ne semble pouvoir entraver.
Le projet de réforme territoriale incarné par les lois MAPTAM et NOTR(e) en témoigne chaque jour davantage.
Le 27 janvier, à l’issue de l’examen en première lecture au Sénat de la loi NOTR(e) qui doit définir les nouvelles compétences de chaque niveau de collectivité, les maires soufflaient, après que les sénateurs aient adopté un amendement qui repoussait au 1er janvier 2018 l’entrée en vigueur de la GEMAPI.
L’instauration de cette nouvelle compétence, qui, outre la « prévention des inondations » et la « gestion des milieux aquatiques » transférerait aux communes et aux EPCI dans dix ans la gestion d’une partie des 50 000 kilomètres de digues aujourd’hui sous la responsabilité de l’Etat, avait été décidée dans le cadre de la loi Maptam, adoptée le 26 janvier 2014. Une innovation mal acceptée par bien des maires, qui estiment, à raison, n’avoir ni les moyens financiers ni les moyens techniques d’exercer cette compétence.
A peine élu président de l’AMF, François Baroin, député-maire (UMP) de l’Aube demandait solennellement au Premier ministre que le dossier soit entièrement « remis à plat », la prévention des inondations relevant selon lui des missions régaliennes de l’Etat.
L’amendement adopté par le Sénat visait à étendre quelque peu le champ d’application de la future taxe de 40 € maximum par habitant qui serait instaurée avec la Gemapi. Dans la formulation initiale cette taxe « l’aquataxe », avait pour objet de financer « exclusivement » le financement des opérations issues de l’exercice de la nouvelle compétence. L’amendement adopté fin janvier par les sénateurs remplaçait le mot « exclusivement » par « prioritairement ». Et repoussait la mise en œuvre de la compétence Gemapi au 1er janvier 2018, pour donner le temps aux communes et intercommunalités de s’y préparer, et surtout pour permettre de revoir ce texte, critiqué de toute part comme nous l’avons maintes fois relaté...
Le gouvernement sait parfaitement qu’il s’est fourvoyé depuis le début dans cette calamiteuse affaire, conseillé par de mauvais génies. Mais n’entend pas se dédire et en a fait une question de principe.
Dès lors un amendement gouvernemental a immédiatement été adopté le 4 janvier par la Commission des lois de l’Assemblée nationale, qui a évidemment supprimé toutes les dispositions adoptées au Sénat.
Le gouvernement estime ainsi que l’extension du champ de « l’aquataxe » (facultative et que personne dès lors n’adoptera, et surtout pas dans les régions menacées par des inondations récurrentes… ) serait « préjudiciable à l’exercice de cette compétence », alors que son intérêt est au contraire d’être « ciblée sur le financement des investissements nécessaires à la prévention des inondations et des risques de submersion ».
Quant au report au 1er janvier 2018 proposé par les sénateurs, il est jugé « inopportun », au regard des travaux « déjà engagés » pour la réorganisation et le renforcement des digues. Et, selon le gouvernement, « un tel report pourrait se révéler particulièrement dommageable si de nouveaux événements météorologiques importants venaient mettre en cause la responsabilité des maires ».
On voit bien que l’affaire dégénère puisque faute de pouvoir justifier des dispositions indéfendables, le seul argument qui demeure est celui du bâton, dont on imagine sans peine qu’il va susciter une nouvelle exaspération chez les élus du bloc communal déjà fortement remontés. (...)