
Deux mois après le départ de l’ex-préfet, un magistrat va se pencher sur la légalité au regard du droit pénal de la gestion globale de la manifestation du 16 novembre 2019. Elle avait notamment entraîné la perte d’un œil pour un manifestant. Une procédure rarissime.
C’est une instruction qui peut remettre en cause trois ans de politique sécuritaire. Un juge va enquêter sur les pratiques de maintien de l’ordre de l’ex-préfet de police Didier Lallement, accusé par deux figures des gilets jaunes de les avoir mis en danger en les « nassant » et empêché de manifester à Paris fin 2019.
Fait rarissime, le juge d’instruction va se pencher sur la légalité au regard du droit pénal de la gestion globale de cette manifestation, alors que la justice ne s’intéresse habituellement qu’à des pratiques individuelles, comme des tirs litigieux de lanceur de balles de défense (LBD).
Dénoncée dans cette plainte, la « nasse », qui consiste à encercler les manifestants et les retenir dans un périmètre donné. Cette technique a été remise en cause par plusieurs autorités françaises. Le Défenseur des droits a ainsi recommandé mi-2020 de mettre fin à cet « encagement » qui conduit « à priver de liberté des personnes sans cadre juridique ».
En juin 2021, le Conseil d’Etat a annulé plusieurs dispositions du schéma national de maintien de l’ordre, dont celles concernant la nasse, contraignant en décembre le ministère de l’Intérieur à encadrer et limiter le recours à cette technique. (...)
Soutenus notamment par la Ligue des droits de l’homme (LDH), qui avait observé de « graves atteintes aux libertés » ce jour-là, Ludosky et Lellouche accusent le préfet et son institution d’avoir nourri la confusion et la colère en annonçant l’annulation de la manifestation après son début, puis en ordonnant aux forces de l’ordre d’encercler la place et de réprimer le rassemblement, l’empêchant d’arriver à son terme, faisant de nombreux blessés. « Une garde à vue à ciel ouvert de trois heures », d’après eux. (...)
Reprenant in extenso l’argumentation de Rémy Heitz fondée pour l’essentiel sur les éléments fournis par la préfecture de police, une procureure a justifié « qu’aucune qualification pénale ne pouvait être retenue ». Mais dans une ordonnance, un juge d’instruction parisien est passé outre ces réquisitions le 31 août et a décidé de lancer des investigations sur ces faits qui « peuvent légalement admettre une qualification pénale ».
Guillaume Martine, avocat des deux plaignants, a salué « une excellente nouvelle ». (...)