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Gilets jaunes : voile médiatique sur les violences policières
Article mis en ligne le 28 décembre 2018

Lundi 17 décembre, Amnesty International publiait une enquête dénonçant « le recours excessif à la force par des policiers » pendant les manifestations des gilets jaunes, comprenant de nombreux témoignages de victimes et de secouristes, mais aussi de photographes et journalistes. L’ONG s’inquiète du nombre de blessés très élevé (1 407 manifestants, dont 46 grièvement selon les chiffres officiels), et de l’absence de toute réaction ou de remise en cause de la part des autorités face à un tel bilan. Cette enquête a fait l’objet d’une couverture médiatique quasi-nulle, qui témoigne du désintérêt des grands médias vis-à-vis des violences en manifestation… lorsqu’elles sont commises par la police.

C’est peu dire que l’enquête d’Amnesty International sur les violences policières a eu mauvaise presse. Publiée lundi 17 décembre, l’enquête a fait l’objet de trois brèves le jour même (sur les sites de Libération, de RT France et de Reporterre) et trois le lendemain (sur les sites de LCI, Franceinfo et de Linfo.re). Et c’est tout, à l’heure où nous écrivons cet article.

Mention spéciale pour LCI, qui accompagne l’articulet dédié à l’enquête d’Amnesty d’un extrait vidéo plein d’à-propos... intitulé « comment la police a gagné en efficacité » :

Comme son titre l’indique, ce sujet (tiré du JT de 20h du samedi 8 décembre) détaille et justifie le dispositif répressif mis en place le jour même, et qui a conduit à plus de mille interpellations et plus de 200 blessés (soit un sixième du total des blessés sur l’ensemble du mouvement). Par volonté, peut-être, de « rééquilibrer » les informations de l’enquête d’Amnesty ?

« Mutisme » de la presse sur les violences policières ?

Un article de la rubrique Checknews sur le site de Libération revient sur l’absence de couverture médiatique de l’enquête d’Amnesty International. L’auteur commence par botter en touche pour ce qui concerne les autres médias (« Nous ne pouvons répondre à la question du choix éditorial pour l’ensemble des rédactions »). S’agissant de Libération, l’auteur fait valoir que le quotidien a déjà « largement » écrit sur les violences policières (deux articles dans le journal papier, un sur le site, et quatre dans la rubrique Checknews). En tout, cinq articles sur des vidéos de violences policières ; un article avec des témoignages de trois victimes ; et un dernier sur un appel d’avocats pour interdire les grenades lacrymogènes instantanées (GLI).

Une couverture médiatique qui n’est certes pas nulle. Mais est-elle vraiment suffisante pour justifier de passer à la trappe l’alerte d’Amnesty International ? Est-elle à la hauteur de l’ampleur nouvelle de la brutalité de la répression policière, dénoncée par cet article de Bastamag, à l’origine d’un décès, d’un coma et de nombreuses mutilations ? Cela se discute…

Quoi qu’il en soit, la couverture des violences policières par Libération reste largement plus fournie que celle du Parisien, qui préfère à son habitude jouer la partition de la préfecture. Elle est également plus consistante que celle du Monde, comme en témoigne le grand vide de la rubrique « violences policières » du site du quotidien. (...)

Nous avons également évoqué la manière dont les humiliations et violences policières à l’égard des lycéens de Mantes-la-Jolie avaient été relativisées, voire justifiées sur certains plateaux télévisés. Ou encore les démonstrations de journalisme « aux ordres » sur BFM-TV et CNews, la veille des grandes manifestations.

Un autre article de Checknews relate un épisode représentatif de la manière dont les chaînes d’information en continu traitent les violences policières. Le dimanche 9 décembre sur BFM-TV, un gilet jaune interpellait l’animateur Bruce Toussaint sur l’absence de couverture médiatique des violences policières par les chaînes d’info en continu. L’animateur le coupe pour s’en expliquer. Il y aurait, selon lui, des règles qui interdiraient de montrer à la télévision « des personnes menottées » ou encore « des violences physiques sur une personne. » Ce qui est faux, s’agissant de la diffusion d’images de violences physiques, comme le rappelle l’article de Checknews.

L’article rapporte également les directives données par la directrice de la rédaction de BFM-TV à ses équipes, leur demandant d’éviter de diffuser en direct des images de violences contre les personnes (de la part de manifestants comme de la police) afin « de ne pas être accusé d’indécence ou de complaisance ». Hors direct, ce choix éditorial n’avait pourtant pas empêché cependant, par le passé, de diffuser des images de violences policières, comme le note l’article... (...)

Notons cependant que tous les journalistes de télévision ne partagent heureusement pas les scrupules de Bruce Toussaint s’agissant des violences policières. Le 13 décembre, France 2 a diffusé un numéro d’Envoyé spécial à propos de la surenchère de la violence qui revient notamment particulièrement sur les violences policières, avec des témoignages édifiants de manifestants blessés lors de précédentes manifestations.

***

Au vu de ce rapide tour d’horizon du traitement des violences policières dans les médias, on comprend que le faible retentissement du rapport d’Amnesty International sur les violences policières n’est pas vraiment une surprise. Le précédent rapport, publié l’année dernière, avait d’ailleurs déjà fait l’objet d’une couverture discutable, comme nous l’avions alors souligné. Tout se passe comme si l’ampleur croissante de la répression policière dans les manifestations était inversement proportionnelle à l’intérêt qu’elle suscite dans les grands médias (...)