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Grande manifestation en faveur du climat policier sur BFMTV
Samuel Gontier
Article mis en ligne le 24 septembre 2019

Depuis l’arrivée de Marc-Olivier Fogiel à la tête de BFMTV, tout a changé dans la couverture des manifestations : les journalistes se vantent d’être “embarqués avec la police”, les experts saluent la violence “légitime” de la répression, Dominique Rizet insinue que les voltigeurs ne sont pour rien dans la mort de Malik Oussekine…

« BFMTV embarquée avec la police », clame le bandeau de BFMTV. « LCI embarquée avec les motards de la police », clame celui de LCI. Samedi dernier, les chaînes info avaient trouvé le meilleur point de vue pour décrire en toute objectivité les différentes manifestations programmées à Paris. « Nos équipes suivent les Brav, les Brigades de répression des actions violentes », plastronne la présentatrice de LCI. « Une famille avec un enfant dans une poussette qui se retrouve au milieu des gaz, témoigne un reporter, c’est difficile à gérer pour les forces de l’ordre. » Il faudrait interdire aux familles de manifester pour pouvoir réprimer en toute tranquillité. (...)

La présentatrice se souvient des manifs de l’an dernier : « Est-ce que les Français sont prêts à revivre de telles violences ? » Les « telles violences » ne désignent pas celles infligées aux dizaines de manifestants mutilés mais celles qui ont ravagé le Fouquet’s, laissant « les Français » traumatisés. « Paris attend entre 600 et 700 membres de l’ultragauche, de l’ultradroite et de l’ultrajaune. » D’où la nécessité de déployer de l’ultrableu. « C’est une manifestation de Gilets jaunes mais on ne voit pas de gilet jaune, s’étonne le présentateur de BFMTV. Ils les ont manifestement déposés. » Le politologue Jean-Christophe Gallien lui explique que « dans les contrôles préventifs, on les débarrasse du gilet jaune ». Considéré comme une arme par destination.

© BFMTV

A ce propos, Mélanie Vecchio, porte-parole de la préfecture de police, pardon « journaliste police-justice », rapporte : « Dans les contrôles, les policiers ont trouvé de nombreuses armes par destination, des boules de pétanque, des tournevis ou encore des lunettes de piscine. » Sans parler des bonnets de bain, autres armes de destruction massive. (...)

Le politologue Jean-Christophe Gallien analyse : « Il y a un dispositif de communication qui est recherché dans cet aspect de mobilité qui est d’ailleurs renforcé par le travail de vos équipes. » S’embarquer avec la police servirait la communication du gouvernement ? Cet expert n’est pas sérieux. « Pour l’instant, ce qui manque, ce sont les manifestants. Pour l’instant, on ne voit que des policiers. » C’est difficile à expliquer. (...)

Perrine Sallé recommande : « Il faut dédiaboliser l’intervention des forces de l’ordre. » Un peu comme le FN. « On a vécu des événements extrêmement violents, on a eu des symboles détruits, des commerces fermés. » Mais les fabricants de boule de pétanque ont dû faire fortune, depuis bientôt un an qu’on m’en annonce d’impressionnantes saisies. « Aujourd’hui, certes, les forces de l’ordre font peur. Mais elles sont nécessaires et utiles pour le bon déroulement des manifestations. » Un bon déroulement dans la peur. (...)

« Ce qui me fait peur, c’est la mauvaise interprétation de la présence des forces de l’ordre par les manifestants. » Ces idiots n’ont pas compris que les policiers les mutilaient pour leur faire peur et ainsi assurer le bon déroulement de leur manifs. (...)

Mélanie Vecchio répète : « Les policiers ont trouvé des tournevis, de nombreux casques de plongée… » Ça se confirme, c’est une manif de scaphandriers. « … Du matériel caché dans un lecteur DVD… » Et un lance-roquette dans une clé USB. Dominique Rizet, expert en sécurité, énumère tous les bienfaits de la loi anti-casseurs. Par exemple « elle permet d’inspecter des sacs à dos ou les coffres des véhicules ». Et les lecteurs DVD.

« Est-ce que ce sont des journées dangereuses ?, s’inquiète la présentatrice. Je pense particulièrement à Christophe Castaner. » Pourvu qu’il ne soit pas éborgné. Le présentateur n’a toujours pas compris : « On a l’impression qu’il y a une stratégie de désidentification : plus de gilets jaunes portés. C’est stratégique ou c’est de la pure désorganisation ? » Ou c’est l’effet d’une confiscation ?
(...)

« Emmanuel Macron est très vigilant, se réjouit Jannick Alimi. Il secoue terriblement son équipe ministérielle. Et sur l’écologie, il cherche à verdir son gouvernement. On ne va pas décliner ce qu’il a fait… » Ce serait trop long : signature du Ceta, permis d’explorations minières en Guyane, etc. « Face à Donald Trump, Emmanuel Macron apparaît avec un crédit vert à son actif. » En effet, il est le seul dirigeant au monde à réprimer une manif pour le climat, comme le raconte Maxime Combes, d’Attac, et comme je l’ai aussi vécu. (...)

« Le dispositif est vraiment efficace, c’est une réussite, vante à son tour Axel Ronde. On fait une saturation avec du gaz lacrymogène. » Je peux confirmer : mes yeux et mes poumons ont vite été saturés. « Les nouveaux plans de la préfecture de police sont efficaces. » En effet, j’ai préféré quitter le cortège qui se disloquait et me réfugier dans mon canapé, devant BFMTV.

A la fin de l’après-midi, des manifestants se rassemblent sur le pont de Tolbiac. Des candidats au suicide, selon Axel Ronde. « S’ils veulent bloquer le pont, ils vont se mettre en danger. » « Avec la Seine en contrebas », note le présentateur. « Evidemment, on voit ce qui s’est passé à Nantes. Se mettre en danger, ce n’est pas une bonne initiative. » Souvenez-vous de Steve, qui s’était mis en danger sur les bords de Loire. Il a bien cherché ce qui lui est arrivé. L’implacable IGPN l’a confirmé.
(...)

Le politologue Benjamin Morel donne une leçon de philosophie politique. « L’État a le monopole de la violence légitime. Dès le moment où l’État est menacé… » Par exemple, quand des gens manifestent pour le climat. « … Il y a des cadres juridiques qui font que l’État a la possibilité d’employer la violence. » Et de noyer les manifestants. « Après, il y a l’état de droit, il n’utilise la violence que dans des cadres très précis. C’est pour ça qu’on a l’IGPN. » L’implacable IGPN, connue pour sa sévérité. « Qu’il puisse y avoir une utilisation de la violence contre les black blocs, aucun problème. Mais si jamais cette violence va trop loin, si elle est disproportionnée, il y a un certain nombre de mécanismes pour que tout soit contrôlé. » L’IGPN sanctionne à tour de bras. « C’est ce qu’on appelle l’état de droit. » Dans ses bottes.

Eric Delbecque, spécialiste de la sécurité, se plaint que le terme « violences » soit dévoyé. « L’équivalence du vocabulaire ne rend pas justice à ce qui se passe. Il n’y pas de violence des autorités. Quand il y a des excès, ce ne sont pas des violences policières, je m’oppose totalement à cette formule. » Comme Christophe Castaner. « Ce sont des manquements à la déontologie. » Des petites entorses à l’éthique, sans autre conséquences que de bénignes mutilations. « Ce n’est pas une violence qui serait promue par les institutions, par le ministère de l’Intérieur. » Même quand il décore les responsables de ces violences.

© BFMTV

« L’ultragauche est dans une guerre de l’information qui vise au désarmement de la police, poursuit Eric Delbecque. Et à incruster le vocabulaire des violences policières dans les médias. » Heureusement, BFMTV résiste. « Les forces de l’ordre ont besoin du LBD… » « Notamment pour disperser… », approuve le présentateur. « Voilà. Monsieur Toubon en a fait un combat mais, au départ, c’est un combat de l’ultragauche. » Le au black bloc a recruté le Défenseur des droits. (...)

Eric Delbecque se félicite de la fin de « la polarisation du Renseignement sur le risque terroriste islamiste. Tous les services travaillent maintenant sur le risque de radicalisation idéologique en général, sur tout le risque de subversion sociale ». Je suis rassuré : toute contestation sociale sera impitoyablement réprimée.