
Dans un article paru le 22 février sur le site Slate.fr, Éric Le Boucher, qui est aussi le directeur de la rédaction d’Enjeux-Les Échos et une vieille connaissance d’Acrimed [1], fait part de ses observations sur l’accord imposé par ses créanciers internationaux au gouvernement grec dirigé par Syriza – et sur l’échec de ce dernier à obtenir des concessions plus importantes et plus conformes à son programme. Qu’Éric Le Boucher jubile devant ce qu’il appelle « La capitulation grecque » (c’est le titre de l’article), cela n’est guère surprenant et c’est son droit le plus strict. Encore faudrait-il que ses opinions, plus que ses analyses, soient un tant soit peu étayées… Or force est de constater que si en termes d’invectives la coupe est pleine, le compte en arguments économiques et politiques est loin d’y être. Petite explication (consternée) de texte.
Journalisme économique ou guérilla idéologique ?
Dès le chapeau introductif du papier, Le Boucher passe à l’attaque, sans nuance :
« Contrairement aux rodomontades, le gouvernement grec a fini par accepter les conditions de la troïka. Une dure leçon pour les populistes d’extrême gauche comme d’extrême droite. »
On ne sait pas trop ici à quoi renvoie le terme de « rodomontades »… Le Boucher cherche-t-il plutôt à disqualifier le programme de Syriza, les premières annonces du nouveau gouvernement ou certaines déclarations d’Alexis Tsipras ou d’autres ministres ? Visiblement, en tout cas, pour ce grand journaliste, le fait même de discuter, de critiquer et de contredire les recommandations de la troïka est en soi une provocation. Dans la deuxième phrase, deuxième malveillance à l’égard de Syriza, tout aussi floue et gratuite. Le Boucher en appelle en effet à un procédé vieux comme la paresse intellectuelle et le journalisme à gages : le qualificatif de « populiste » lui permet de mettre dans le même sac et sans autre forme de procès « extrême gauche » et « extrême droite ».
Un début en fanfare, donc, n’ayant rien à voir avec du journalisme économique, mais tout avec des techniques sommaires de guérilla idéologique, et que surpasse encore la suite de l’article, qui puise aux meilleures sources (...)
Voilà donc la production ordinaire de la crème des journalistes économiques... Un article dont l’objectif principal est de couvrir de ridicule le gouvernement dirigé par Syriza. La liste des termes employés pour définir la stratégie, l’attitude et l’action des ministres est éloquente : « rodomontades », « enfantillages », « filouterie », « ânonner », « prêchi-prêcha », « naïveté complète », « empapahouter », « gros malin », « fanfaronnades », « arrogance », « méconnaissance », « amateurisme », « incompétence », « imposture », « magie », et bien sûr « populiste ».
En revanche, cet article ne contient aucune donnée factuelle et précise sur les demandes initiales des Grecs, sur le contenu des négociations et sur leurs résultats, sur les rapports de force au sein du conseil européen ou entre les institutions composant la troïka, et encore moins sur les échéances à venir, leurs enjeux, etc… Un journalisme de pur commentaire, ou plutôt, en l’occurrence, d’élucubrations et de vociférations, tant le propos est outrancier et peu ou mal informé.