
Depuis cet été, les éditorialistes n’ont pas hésité à témoigner de leur « malaise » (Christophe Barbier, BFM-TV, 24/09) voire de leur « peur » (Alexis Brézet, LCI, 24/09) face aux discours, aux actions et à la personnalité de… Greta Thunberg, jeune militante pour la lutte contre le changement climatique [1]. L’écologiste suédoise n’a pas seulement provoqué l’inquiétude sur les plateaux des chaînes d’information en continu ; elle a également suscité l’hostilité de la fine fleur des « philosophes médiatiques », toujours prompts à se saisir des enjeux de notre époque (Raphaël Enthoven, Michel Onfray, Alain Finkielkraut, Pascal Bruckner). Retour sur quelques mois de tirs croisés médiatiques contre Greta Thunberg.
Comme souvent lorsque les chiens de garde se penchent sur une question politique, la caricature n’est pas loin. Et le cas de Greta Thunberg illustre une nouvelle fois comment, à défaut de débattre sérieusement d’un enjeu sérieux – comme celui du changement climatique – les tenanciers des grands médias s’en tiennent à discuter de la forme ; pour mieux discréditer celles et ceux qui portent un message critique de l’ordre économique et social [2]. Florilège [3].
(...)
L’outrance semble contagieuse, et LCI se met au diapason. Ainsi de Vincent Hervouët : « À l’ONU, il n’y a que les tyrans qui se font remarquer : Khrouchtchev, Castro, Kadhafi… Et là, on a un tyran de 16 ans. » Ou de Julie Graziani : « Qu’est-ce qui satisferait Greta Thunberg et ses amis ? Rien ! Parce que c’est une idéologie, donc ce sont des gens extrémistes. »
Le lendemain, toujours sur LCI, c’est Alexis Brézet qui s’y colle : « On a connu, à l’époque de Mao, les Gardes rouges qui dénonçaient leurs parents. Là, on a une génération de Gardes verts. » (...)
N’en jetez plus… (...)
Mais les attaques ad hominem les plus méprisables (et méprisantes) n’avaient pas attendu le mois de septembre. Dès le 10 avril 2019, Pascal Bruckner évoquait en parlant de la jeune militante « son visage terriblement angoissant » (Figaro Vox).
Autre « philosophe médiatique », Michel Onfray prenait le relais sur son blog, en juillet, qualifiant Greta Thunberg de « cyborg suédoise » et évoquant lui aussi (mais pas seulement) le visage de la militante écologiste : un « visage de cyborg », « non pas de marbre mais de latex », « tendu par les épingles du néant ». (...)
À travers leurs sorties outrancières, les maîtres-penseurs du cirque médiatique dressent d’eux-mêmes un portrait accablant. Le site Les mots sont importants revient d’ailleurs sur cet épisode de sexisme médiatique et parle de « panique morale » (...)
Face à la « menace » Greta Thunberg, les éditorialistes et autres « philosophes médiatiques » ont, une fois de plus, joué leur rôle de chiens de garde de l’ordre social et économique. Ainsi Christophe Barbier lorsqu’il explique sur BFM-TV (24/09), que « si tout le monde se mettait comme elle à traverser l’Atlantique avec zéro trace carbone, il n’y a plus de tourisme, d’économie, de voyages, de biens, d’échanges, donc on est dans une forme d’irréalisme. » Ou encore Ivan Rioufol qui s’indigne que « ce que veulent les écologistes les plus radicaux, c’est un changement de société. » (...)
Ce déferlement d’hostilité contre la militante écologiste Greta Thunberg n’est pas sans rappeler certains des mécanismes habituels de disqualification médiatique des luttes politiques et sociales. (...)