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Grève nationale de la santé : inexistante sur BFM-TV
Article mis en ligne le 16 octobre 2020

Le 15 octobre, la « première » chaîne d’information en continu donnait le mode d’emploi d’une invisibilisation quasi-totale des luttes sociales. Un journalisme servile, suspendu aux annonces gouvernementales ; un journalisme « spectacle », caméra rivée sur le ministère, avenue de Ségur, pour guetter la moindre portière du moindre véhicule officiel ; un journalisme « costard-cravate », confisqué par les commentateurs ; un journalisme de sape sociale, présent partout sur « le terrain » sauf là où s’expriment les travailleurs mobilisés. Bref, un journalisme de classe au sommet du mépris.

Paris, Lille, Rennes, Lyon, Toulouse, Rouen... Partout en France, ce jeudi 15 octobre était une journée de mobilisation et de grève chez les soignants, les personnels de l’hôpital public et dans les secteurs médico-social et social. À l’appel d’une intersyndicale rassemblant la CGT-Santé, SUD-Santé, les urgentistes de l’Amuf, les infirmiers du SNPI, les collectifs Inter-Urgences et Inter-Blocs, la mobilisation était préparée (et annoncée) de longue date pour revendiquer des moyens pour l’hôpital public notamment, « des embauches massives immédiates » et une « revalorisation significative des salaires ».

La colère de ces travailleurs est d’autant plus forte que leurs revendications, martelées avant et depuis le fameux « Ségur de la santé », n’ont pas été entendues par le gouvernement. La situation est même pire, et documentée dans la presse : les infirmiers sont majoritairement en burn-out, pas d’embauche ou des départs de personnels, parfois moins nombreux que lors de la première vague [1], et les lits continuent de fermer – faute de soignants, ou, cerise sur le gâteau, sur recommandation de certaines chambres des comptes, comme c’est le cas en Occitanie concernant le CHU de Toulouse.

De nombreuses (très) bonnes raisons de donner la parole aux travailleurs de l’hôpital et du social en médiatisant leur journée de grève et de mobilisation. Mais il n’en fut rien. De 12h à 18h, pas une blouse blanche, pas un drapeau syndical, pas un témoignage, pas un cri de colère n’aura passé le plafond de verre des écrans et des plateaux de BFM-TV. (...)

Partout sur « le terrain »… sauf dans les manifestations

 On constate d’abord que concernant les perquisitions, BFM-TV a choisi de débaucher des moyens humains pour une information à valeur absolument nulle. Un journaliste est ainsi mobilisé pour faire le pied de grue devant le ministère des Solidarités et de la Santé, une seconde devant le porche vert du domicile de l’ancien Premier ministre dans le 9ème arrondissement de Paris… mais les deux se contentent de lire les quelques éléments factuels médiatisés dans la presse depuis la matinée. Autrement dit, la présence de ces deux journalistes « sur le terrain » n’a absolument aucune valeur ajoutée, aucun apport autre que fournir des images de decorum pour la télé.

Idem pour la conférence de presse interministérielle.

On remarque, ensuite, que BFM-TV a eu le temps de traiter d’autres « sujets » en dehors des perquisitions ou de la conférence de presse. Des experts de BFM Business ont ainsi eu le temps de broder autour des annonces d’Emmanuel Macron (...)

des journalistes parisiens et des envoyés spéciaux et/ou correspondants en régions (au moins à Lille, Toulouse, Rouen et Marseille) ont eu quant à eux le temps d’intervenir une dizaine de fois en direct pour rapporter la colère des restaurateurs (ou leur tendre le micro).

Parfois, comme à Toulouse, ces reporters étaient même postés à quelques centaines de mètres du passage des soignants en manifestation ! Mais ces derniers ne seront jamais visibles à l’écran. Un cloisonnement qui reste sans doute la facette la plus tragique de cette information au rabais. (...)

rien pour les travailleurs de l’hôpital public et du social qui, même lors d’une journée de mobilisation, restent décidément des « héros » aux bons dos, piétinés par BFM-TV… mais pas que. (...)

Le mépris des « têtes d’affiche » journalistiques n’a décidément aucune limite.