
En dépit des communications officielles rassurantes, la crise perdure et s’aggrave dans l’île aux Belles eaux. En coulisses l’Etat, les élus locaux, et différents porteurs d’intérêt s’affrontent en réalité sans merci, ne laissant augurer aucune amélioration d’une situation scandaleuse qui perdure depuis plus de quinze ans.
Des dizaines de milliers de Guadeloupéens pourraient retrouver un service d’eau potable "dès la mi-décembre", indiquait la Région Guadeloupe, lors de la visite d’un chantier le mercredi 12 octobre dernier, près d’un mois après le passage de la tempête Fiona.
Depuis que la tempête tropicale a provoqué d’importants dégâts, dans la nuit du 16 au 17 septembre, le plus gros chantier se trouve à Capesterre-Belle-eau (sud de Basse-Terre), où une importante canalisation a été emportée par une crue.
Près de 40% des clients du syndicat mixte de gestion des eaux et de l’assainissement de la Guadeloupe (SMGEAG) qui dépendent de cette canalisation sont privés d’eau, notamment sur l’île de la Grande-Terre.
Le chantier est évalué à plus d’1,8 million d’euros, porté par les fonds européens et la Région, mais "la solidarité a joué", a expliqué à l’AFP Ary Chalus, le président de la Région Guadeloupe, rappelant les prêts de matériel, tiré du stock stratégique du Département.
Une canalisation "un peu artisanale" ( !), selon les entreprises chargées de la réparation, est en cours d’installation pour parer au plus pressé et rendre un peu d’eau aux habitants pour un mois et demi, avant qu’une solution plus durable ne soit installée et mise en service à la mi-décembre. "Il y aura de l’eau à Noël", s’est réjoui Jean-Louis Francisque, président du SMGEAG.
"Après les travaux d’urgence pour lesquels les fonds de secours sont mobilisés, il faut construire l’avenir et travailler à une gouvernance concertée de l’eau" autour de la problématique globale en Guadeloupe, a annoncé Joël Mathurin, directeur de cabinet du ministre délégué aux Outre-mer.
Il est venu en Guadeloupe début octobre constater l’avancée des chantiers, dévoilant à demi-mot une intervention future de l’Etat dans la gestion du SMGEAG, à plusieurs niveaux.
Car, a rappelé M. Mathurin, en Guadeloupe, le retour à l’eau courante signifie souvent le retour aux "tours d’eau solidaires", qui consistent à couper l’eau d’un quartier pour alimenter un autre sur des plages horaires définies, des faits "inacceptables pour la population".
En plus des travaux d’urgence sur le poste eau, les infrastructures (routes, ponts) endommagés par la tempête, nécessitent de lourds travaux dont certains ont déjà commencé. "D’après le diagnostic de mes services, on est déjà à 37 millions (d’euros) de réparations", a indiqué Ary Chalus.
Affrontements en coulisse
Paris semble tout de même s’inquièter de l’impasse qui perdure.
Une mission interministérielle a été dépêchée sur l’île, avec pour objectif particulier d’auditer les finances du syndicat, et de préparer ce faisant un « monitoring financier et opérationnel », un marché de 300 000 euros, financé par la CDC, censé permettre au syndicat de se remettre à flots.
Un mirage…
La qualité des missionnaires n’est pas en cause. (...)
beaucoup d’ingénieurs des Ponts, qui ne connaissent guère les réalités du terrain. Comme leurs prédécesseurs, des missions express de moins d’une semaine sur place relèvent du survol technocratique qui vient se fracasser sur des réalités locales peu amènes.
Pour s’en tenir aux urgences de l’après-Fiona, le retard s’accumule, pour le démarrage des travaux, pour la réparation provisoire majeure qui va durer 6 semaines en débutant les premiers jours de novembre.
Ainsi d’une usine de production d’AEP qui surproduit 100 M3/Heure qu’elle rejette, les techniciens n’arrivant pas à basculer sur l’autre réseau. Un simple problème de vannes toujours pas réglé un mois après la tempête...
C’est une étrange stratégie conduite par les diverses parties prenantes au dossier qui émerge.
Le Conseil régional, qui ne connait rien, à l’eau potable, encore moins à l’assainissement ; se laisse conduire par une ingénieure, embauchée en qualité de chef du service de l’eau, en provenance du bureau d’étude technique Suez Ingénierie, sous les ordres d’un directeur de l’eau qui n’y connait rien non plus, quoique titulaire d’un doctorat de physique.
Elle ne connait rien au CGCT, a fait un détachement au SMGEAG, en même temps que l’ex-Directeur de l’eau de la Préfecture, qui vient d’être détaché à la DEAL pour superviser la police de l’eau et l’environnement.
Il est pour sa part camarade de promo du nouveau directeur de la filiale de Suez : Karuker’ô, entreprise titulaire d’un contrat de DSP octroyé cette fois par le Département, pour gérer « l’eau agricole », dont seuls 17% des volumes produits sont effectivement utilisés par des agriculteurs. Le reste alimente les villes qui ont quitté le syndicat failli, et leur permet de produire leur propre eau potable, concurrençant ainsi le syndicat….
Le nouveau directeur Etudes et Travaux du SMGEAG vient de Suez Ingénierie. Le nouveau DGS adjoint du SMGEAG est un protégé de l’homme de la Préfecture, aujourd’hui DEAL, qui semble avoir l’oreille du préfet Rochatte qui ne connaît rien à l’eau…
L’impasse financière (...)
Le SMGEAG est aujourd’hui un immense foutoir, incapable de préfigurer les travaux à sa charge, qui seront confiés au Conseil régional, qui démarreront au début novembre avec une section provisoire où le DN 700 recevra une plaque pleine avec 2 DN 200 en PEHD, pour un débit de 400 M3/H. Quid de la pression ?
Pendant ce temps-là des cantines scolaires et des cuisines centrales, dont celle du président du Conseil régional, ferment, car l’eau distribuée est impropre à la consommation. L’ARS fait profil bas.
Enfin, cerise sur le gâteau, des personnels ayant quitté le syndicat en rupture conventionnelle, dénoncent la non conformité des documents transmis à l’assurance chômage par le syndicat, ce qui les prive de leurs droits…
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