
Sur CNews, Guillaume Bigot préconise l’abandon de l’État de droit et l’entrée en guerre contre la Turquie. Sur LCI, un trio de toutologues fait assaut d’expertises parmi lesquelles brillent les éclairs de génie de Luc Ferry. Sur BFMTV, Christophe Barbier réclame le sacrifice des personnes vulnérables au Covid et un médecin star assure que les enfants ne transmettent pas le virus.
« L’édito de Guillaume Bigot en ce dimanche matin sur CNews, annonce Thomas Lequertier. Vous revenez sur la menace terroriste qui pèse sur le sol français. » « Il faut se préparer à une guerre longue et éprouvante, avertit l’éditorialiste. Si nous voulons la gagner, nous devons sortir du traitement purement déclamatoire et judiciaire. » Et privilégier les actions extra-judiciaires. « Il faut arrêter de dire que l’on fait la guerre sans la faire. Et il faut arrêter de faire de la com dans le cadre paralysant de l’État de droit. » Il faut sortir de ce cadre paralysant, en finir avec l’État de droit. Pour celui qui préconise l’établissement d’un bagne aux Kerguelen, ça va de soi. (...)
« Gagner cette guerre impose d’abord de criminaliser l’islamisme, poursuit Guillaume Bigot. Cette idéologie mortifère se propage avec deux visages : celui du docteur Jekyll islamiste mielleux qui condamne les attentats ; celui, sanguinaire, du mister Hyde djihadiste qui les perpétue. » Tout musulman, même le plus doux, est donc un terroriste en puissance. « Nous ne gagnerons cette guerre qu’en comprenant que nous combattons un seul et même ennemi. » L’islam.
« Le président turc a insulté notre président et a appelé à boycotter les produits français, s’indigne Guillaume Bigot. De son côté, l’ancien président de Malaisie a autorisé les musulmans à “tuer des millions de Français”. Le président Erdogan doit donc être tenu personnellement et idéologiquement responsable de l’attentat de Nice. » Et l’ancien président de Malaisie, alors ? (...)
« Nos Rafale peuvent interdire le ciel aux chasseurs F-16 turcs qui bombardent les Arméniens et permettre à ces chrétiens massacrés de se défendre. » Ben voilà, il suffit de déclarer la guerre à la Turquie et tout risque d’attentat sera anéanti. « Sans risque militaire excessif, cette opération montrerait à tous que la France ne plaisante pas. » Et qu’elle est prête à déclencher un conflit avec la Turquie sans risque militaire excessif. (...)
Si Erdogan ferme le détroit, il violera alors le droit international et se mettra à dos les États-Unis et la Russie. » Voilà une ingénieuse stratégie. « Le président turc sortirait de cette épreuve affaibli. » Et pour la Malaisie, on fait quoi ? Une frappe nucléaire paraît indiquée — sans présenter un risque militaire excessif.
Guillaume Bigot conclut par une citation du plus bel effet. « Comme l’a écrit le poète du Bellay, “la France est la mère des arts, des armes et des lois”. » Et de la tempérance. Je suis toutefois déçu : l’éditorialiste n’a pas dit comment « agir à l’intérieur de nos frontières », il a seulement suggéré de supprimer l’État de droit. Une mesure de bon sens prônée par les plus réputés des éditorialistes. Quelques jours plus tôt, sur BFMTV, Christophe Barbier suggère de « changer les règles de droit qui font qu’on ne peut pas accuser quelqu’un de faits qu’il n’a pas encore commis simplement parce qu’il serait suspect ou présumé capable de les commettre. Il faut que ce débat soit tenu très rapidement ». Et que toute personne d’apparence musulmane soit préventivement internée aux Kerguelen. (...)
Ce dimanche soir, Christophe Barbier voit dans la nouvelle vague de Covid une crise providentielle. « C’est l’occasion de réviser nos positions vis-à-vis de la vie. La vie est devenue sacrée, on tolère plus la mort. » Il est loin, le temps des franquistes qui clamaient « Viva la muerte ! ». « Ce pays, ce continent a subi des épidémies dans les siècles passés plus terribles en nombre de morts mais on avait un certain sens de la fatalité. » Quand la peste décimait le tiers de la population, on n’en faisait pas une maladie. « Comme le disait Eugène Ionesco : “C’est ça la vie, mourir”. » Ça change de Joachim du Bellay. « On n’accepte plus ça. Quel que soit l’âge, l’état de santé qu’on a, on ne supporte pas qu’on puisse être sacrifié. » Les vieux, les diabétiques, les gros, les cardiaques, merci de vous sacrifier pour faire plaisir à Christophe Barbier. (...)
William Dab, ancien directeur général de la Santé, conteste : « Moi, comme médecin, le refus de la fatalité… » « C’est une définition », complète le présentateur Jean-Baptiste Boursier. Peu avant, le médecin avait recommandé : « Les élèves doivent garder le masque à la maison. » « Et quand on mange ? », demandait la présentatrice. « On n’est pas obligé de manger ensemble. » Sauf si ses parents ou ses grands-parents sont candidats au sacrifice. (...)
« Au contraire de Luc Ferry, reprend Daniel Cohn-Bendit, je ne suis pas un spécialiste. » « Mais moi, oui, mon pote », rétorque Luc Ferry, prêt à brandir son diplôme de toutologie. « Moi, ma vie, contre-attaque son pote, c’est d’écouter les autres. » Ça doit être pour ça qu’on l’entend aussi souvent. Luc Ferry réplique : « Écoute-moi trois secondes, alors. » Si ce n’était que trois secondes… Mais l’émission dure une heure. (...)
Les débatteurs abordent la question du terrorisme, Luc Ferry s’en prend à ses complices : « Regardez le mouvement décolonial. Zineb El Rhazoui le dit très justement, Pierre-André Taguieff aussi… » Jean-Michel Blanquer itou. « … C’est le seul mouvement à réhabiliter l’idée de race aujourd’hui en France. » C’est bien connu, les antiracistes sont les racistes. « Tous les intellectuels de gauche ont suivi, très peu ont résisté. Finkielkraut a résisté. » « C’est pas tout à fait un intellectuel de gauche », nuance Daniel Cohn-Bendit, à quoi Luc Ferry répond : « Il a été très, très à gauche. » Il ne peut donc être très, très à droite.
Luc Ferry tient à distinguer l’extrême droite de la droite extrême. « Il faut pas confondre la très forte tradition d’extrême droite, avec de très grands auteurs comme Maistre, Maurras, Barrès. » Sans oublier Zemmour. « C’est une tradition intellectuellement très forte. Zemmour est dans cette tradition. » Qu’est-ce que je disais ? Zemmour est intellectuellement très fort. « Mais il y a une tradition gaulliste à laquelle j’appartiens, qui est celle de Séguin, de Guaino, qui défend les valeurs les Lumières, de la République, de la laïcité. » Et du peuple africain qui n’est pas rentré dans l’Histoire. « On trouve l’équivalent à gauche chez des intellectuels comme Bruckner… » Il est de gauche, Bruckner ? Dans ce cas, Guaino est maoïste. (...)
« On n’a jamais vu de vrais clusters dans les écoles. » Seulement des faux clusters surgis de l’imagination de ces feignants d’enseignants. « On a quelques cas, et la plupart du temps c’est des contaminations qui sont passées par les familles. » Coïncidence, c’est aussi ce que prétend le gouvernement. La présentatrice appuie : « C’est vrai qu’il y a eu très peu d’établissements fermés, on le rappelle. » Et pour cause : le ministère a tout fait pour ne pas les fermer, comme en témoignent les récits d’enseignants collectés par le docteur Christian Lehmann dans sa chronique pour Libération, « Covid à l’école, l’omerta et le déni ». « Et très peu de clusters, répète l’invité. Et les gens concernés ne font quasiment jamais de formes graves. » Seulement des grippettes, comme disait l’autre.
La présentatrice insiste : « Les lieux de contamination restent à l’intérieur des foyers plutôt que dans les établissements scolaires, c’est ça ? » « Absolument. » Comme le dit le gouvernement. « D’ailleurs, l’argument des gens qui disaient qu’il fallait fermer les écoles, c’était que les parents allaient se contaminer sur le trottoir en emmenant leurs enfants à l’école. » Ah bon ? Première nouvelle. J’avais jusque-là entendu l’argument du risque de contamination des parents, des grands-parents et des enseignants par les enfants. « C’est dire à quel point on peut être rassuré pour les enfants, ils transmettent très, très peu. » S’ils restent à l’intérieur de nos frontières — et qu’ils gardent le masque à la maison, et qu’ils ne mangent pas avec le reste de leur famille. « Donc la rentrée scolaire devrait bien se passer sur le plan sanitaire », se réjouit la présentatrice. « Il n’y a aucune raison de s’inquiéter, certifie Martin Blachier. S’il y a quelques cas dans les lycées, du fait que les foyers soient isolés, ça ne créera pas de chaîne de contamination. » Attention tout de même aux accidents de trottinette.
Mise à jour mardi 3 novembre, 13h30. Comme annoncé par BFMTV, la rentrée scolaire se passe bien : ce matin, plusieurs lycées ont été bloqués par leurs élèves qui réclament un véritable protocole sanitaire pour éviter les contaminations. Mais, comme le prédisait Martin Blachier, il n’y a aucune raison de s’inquiéter : les forces de l’ordre sont intervenues pour isoler les foyers (de contestation). Au lycée Colbert, à Paris, les élèves ont été matraqués et gazés tandis que deux journalistes, Clément Lanot et Taha Bouhafs, étaient eux aussi gazés (par un policier non masqué) et menacés d’être écrasés. C’est dire à quel point on peut être rassuré.