
Ce samedi 23 septembre, à l’occasion de sa 23e pyramide de chaussures, l’ONG Handicap International veut convaincre la France de se joindre à la déclaration politique internationale visant à mettre fin à l’usage d’armes explosives en zones peuplées.
Le prodige du football mettra son “immense popularité au service de la cause des plus vulnérables”. Le 15 août à Genève, Neymar est harnaché à plusieurs mètres de haut devant le palais des Nations, siège de l’Onu. Le prince du ballon rond a jonglé symboliquement sur la Broken Chair, l’œuvre érigée vingt ans plus tôt en faveur du combat de Handicap International pour l’interdiction des mines antipersonnel. Malgré un pied amputé, la colossale chaise de l’artiste suisse Daniel Berset n’est pas bancale, comme pour illustrer le travail d’une ONG qui aide les victimes à se relever après le traumatisme de la guerre. Par cette mise en scène, l’ONG annonce que Neymar devient son premier ambassadeur international. Après avoir défrayé la chronique en étant l’objet du transfert le plus coûteux de l’histoire du football (222 millions d’euros à régler au club de Barcelone par son nouveau club, le Paris Saint-Germain), Neymar arbore avec fierté le T-shirt “Réparer des vies” de l’organisation fondée à Lyon en 1982. (...)
la popularité du joueur au niveau mondial pourrait être précieuse pour mener l’une des campagnes les plus complexes de l’association humanitaire.
#StopBombingCivilians
Handicap International n’a pas la réputation de craindre les missions périlleuses. Il y a vingt ans déjà, le prix Nobel de la paix a récompensé son travail au sein du réseau qui avait mené la campagne internationale pour interdire les mines, à laquelle la princesse Lady Di avait activement participé. Une campagne concrétisée par la signature du traité d’Ottawa par 162 pays. En 2008, Handicap était aussi à l’origine de la convention d’Oslo, par laquelle 94 États, dont la France, s’engageaient à mettre fin à la production et à l’utilisation des imprécises et ravageuses bombes à sous-munitions.
Forte de ces expériences, l’ONG ne dénonce plus un type d’arme, mais la pratique qui consiste à utiliser des armes explosives à large rayon d’impact dans les zones peuplées. (...)
Les groupes armés utilisent les faiblesses de l’ennemi et n’hésitent pas à empêcher les populations de fuir les combats ; ce fut le cas à Mossoul, en Irak, où des civils ont été utilisés comme boucliers humains par les djihadistes de l’État Islamique. “Les théâtres de conflits armés sur lesquels Handicap International évolue et dont les effets sont observés chaque jour sont principalement en milieu urbain et dans des zones densément peuplées, poursuit Baptiste Chapuis. Les civils sont parfois pris directement pour cibles ou, sans être visés de façon délibérée, ils se retrouvent entre les feux des différentes parties prenantes.” En octobre dernier, 1,5 million d’Irakiens étaient ainsi piégés dans la seconde ville du pays, tandis que la coalition tentait d’ouvrir des couloirs humanitaires. Lors de la dernière offensive, qui a mené à la libération de la ville par l’armée irakienne et la coalition internationale, près de 40 000 civils ont été tués, et de nombreuses parties du centre historique réduites en poussière.
Une corrélation directe avec les déplacements forcés (...)
Ce samedi 23 septembre, lors de la manifestation “pyramide de chaussures” organisée par Handicap International dans 24 villes du pays, l’ONG compte bien donner aux citoyens l’occasion de changer la donne. “La déclaration politique internationale n’est pas un traité contraignant mais, une fois qu’elle sera signée, elle aura, espérons-le, des effets juridiques concrets adoptés par les juridictions nationales. Les citoyens ont un moyen d’agir concrètement en poussant la France à rester du bon côté de l’histoire”, estime Baptiste Chapuis. Emmanuel Macron, les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ont été invités à participer symboliquement à cette pyramide, pour montrer un engagement qui, selon Handicap, “passe aussi par la condamnation systématique de l’usage d’armes explosives en zone peuplée à l’international”.
La France est prisonnière de son alliance avec l’Arabie saoudite”
Quatrième exportateur mondial d’armement, le pays des Droits de l’homme rayonne aussi par son industrie militaire. En quelques années, ces exportations ont plus que doublé. (...)
Au Yémen, une guerre sans merci est menée par une coalition dirigée par l’Arabie saoudite pour déloger les rebelles houthis. Utilisation de bombes à sous-munitions, bombardements d’hôpitaux dont quatre structures de soins de l’ONG Médecins sans frontières : en un peu plus d’un an, les violations du droit international humanitaire s’accumulent dans un conflit qui illustre tout ce que dénonce Handicap International. (...)
Le 19 août, l’Onu a directement pointé du doigt la coalition militaire dirigée par Riyad, l’accusant d’entraver l’aide humanitaire et menaçant le royaume d’être placé sur la liste noire des pays violant le droit des enfants. Actée par des traités successifs depuis les années 1980, la relation privilégiée entre la France et l’Arabie saoudite semble imposer un silence pesant aux autorités françaises vis-à-vis de la crise humanitaire au Yémen. Reste à savoir si le nouveau gouvernement saura évaluer les intérêts de la France à rejoindre le processus de déclaration politique internationale. Pour Handicap International, une seule chose est sûre : il est actuellement impossible de protéger raisonnablement les civils sans changer les règles d’engagement militaire.