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Haro sur Greta Thunberg, la démoniaque vestale hitléro-maoïste
Samuel Gontier
Article mis en ligne le 26 septembre 2019

“Irrationnelle”, “illettrée”, “louche”, “ridicule”, “sadique”, “fanatisée”, “totalitaire”… Lundi et mardi, après l’intervention de Greta Thunberg à l’ONU, les éditorialistes étaient plus chauds que le climat pour insulter la militante suédoise. Tout en regrettant qu’il soit impossible de la critiquer.

« Je suis d’accord avec vous, mais j’enlèverais les comparaisons, nuance Pascal Praud. Cette jeune femme me met mal à l’aise. » « Elle me met mal à l’aise », complète Jérôme Béglé. Je n’ai jamais vu autant d’éditorialistes mal à l’aise sur un plateau. J’espère que CNews a prévu une cellule de soutien psychologique. L’éditorialiste du Point se targue de paraphraser une phrase de Cocteau : « Tous les enfants ont du génie sauf Greta Thunberg. Je la sens fanatisée. » Par les maoïstes ou par les nazis ? « À quoi ça sert d’aller chouiner devant les caméras du monde entier ? » Jérôme Béglé déplore qu’elle ait choisi de sécher l’école « en restant illettrée ou à peine lettrée ». Elle ne pourra jamais citer Cocteau. « C’est inepte, ce qu’elle fait. » Heureusement, Jérôme Béglé est là pour relever le niveau.

« Cette jeune femme est porteuse d’une idéologie universaliste, diagnostique Ivan Rioufol. Elle ne supporte pas la contradiction… Quand on se rappelle ce qu’a pu être le communisme ou le nazisme… » Le nazisme, voilà bien une idéologie universaliste. « Son idéologie est d’essence totalitaire. » « Ça peut s’entendre », convient Pascal Praud qui, en général, entend très bien les fachos. « Que madame Thunberg dise qu’une extinction de masse a commencé, c’est faux !, s’indigne Jérôme Béglé. En partant d’un postulat aussi ridicule… » « Il y a des espèces qui disparaissent », avance Pascal Praud. « Mais les dinosaures aussi ont disparu ! Des espèces ont toujours disparu. » Et l’espèce des éditocrates est toujours là. (...)

Pendant ce temps, sur LCI, Vincent Hervouët invite à un salutaire recul historique. « A l’ONU, il n’y a que les tyrans qui se font remarquer : Khrouchtchev, Castro, Kadhafi… Et là, on a un tyran de 16 ans. » Hitléro-maoïste, si j’ai bien suivi. « Ce qui est extraordinaire, c’est la prévalence de l’émotion, regrette François Lenglet. Le changement climatique, c’est un problème technique… » Si c’était un problème politique, ça se saurait. « … Avec des solutions techniques qu’une jeune fille de 16 ans ne peut pas avoir. » Tant qu’à sécher l’école, elle devrait prendre des leçons de technique avec François Lenglet. « Je trouve ça désolant de voir que les adultes participent à cette espèce de contrition qui ne débouche sur rien. » Les adultes n’ont pas la maturité de l’expert de LCI. « L’autoflagellation ne débouche sur rien, l’émotion ne débouche sur rien. » C’est pourquoi les éditorialistes n’y succombent jamais. (...)

Sa famille a fait de son dossier psychiatrique un bouclier. Personne n’ose attaquer Greta Thunberg. » Non, vraiment personne. Je l’aurais remarqué. « Tout ça est profondément malsain, c’est une manipulation marketing que je trouve assez dégueulasse. » Son sens de l’éthique honore ce médecin. « Elle s’attaque aux faibles, aux masochistes. » C’est trop facile. Laurent Alexandre, lui, ne s’attaque qu’aux forts, aux sadiques. « La France est le pays au monde qui émet le moins de CO2 par unité de richesse produite. La France est le meilleur élève mondial grâce au nucléaire. » Vive le nucléaire. « Le nucléaire est aujourd’hui la seule solution sur terre pour diminuer le CO2. » Il suffirait de construire quelques milliers de réacteurs tout autour de la terre, EDF sait très bien le faire. « Merci Laurent Alexandre », salue d’un air satisfait Bruce Toussaint.

Le lendemain matin, mardi, c’est au tour de Christophe Barbier de répondre à la question vitale : « Greta Thunberg en fait-elle trop ? » « Oui ! Il y a un malaise au bout d’un moment. » Ça y est, Christophe Barbier fait aussi un malaise. (...)

« Elle se ridiculise », assène sur LCI un autre spécialiste du ridicule, Jean-Michel Aphatie. « Aller à pleurer à la tribune de l’ONU, c’est un peu stupide. » Puéril. « Porter plainte, c’est ridicule. La justice, il faut la laisser pour les vrais délinquants. » Par exemple, pour ceux qui décrochent les portraits de Macron, dont l’action s’apparente à des « appels au meurtre », expliquait Jean-Michel Aphatie la veille.
(...)

Gérard Leclerc ose une comparaison entre Greta Thunberg et Jeanne d’Arc, Charlotte d’Ornellas s’indigne : « La différence, c’est que Greta Thunberg est proclamée sainte avant même d’être sur le bûcher. » Qu’attend-on pour la brûler ? Ça dissiperait le malaise. « Il y a une différence entre Greta Thunberg et Jeanne d’Arc, ajoute Benjamin Morel, c’est que Greta Thunberg est envoyée dans un objectif de culpabilisation. Là, on retrouve la Florence de Savonarole, on l’envoie pour dire : “Vous avez péché, vous êtes le mal, nous sommes les enfants, nous sommes la pureté.” C’est ça qui fondamentalement est malaisant. » Vite, un bûcher ! (...)

« Est-ce qu’elle a choisi la bonne cible en attaquant des pays comme l’Allemagne, la France ?, s’interroge Eric Brunet. J’ai l’impression qu’elle a frappé par erreur, comme à la sortie d’un bistrot, quand on est un peu éméché et qu’on donne un coup de poing à son copain au lieu de taper le méchant. » Et moi, j’ai l’impression qu’Eric Brunet parle comme à la sortie d’un bistrot, quand on est un peu éméché et qu’on ne sait plus ce qu’on dit.

Certains invités ont réchappé à l’épidémie de malaise. Le publicitaire Frank Tapiro défend vigoureusement la « lanceuse d’alerte. Heureusement qu’elle est là ! La réponse politique d’aujourd’hui est complètement à côté de la plaque ». Ce n’est pas ce qui préoccupe Olivier Truchot. « Il y a un changement de ton incroyable. La secrétaire d’État Brune Poirson ne cessait de dire du bien de Greta Thunberg. Pourquoi ça a changé ? »

« Parce que Greta Thunberg a changé, explique Apolline de Malherbe. Elle était assez silencieuse, elle était une image dans le silence, l’appel quasi silencieux à se poser. » Elle était parfaite quand elle se taisait. « Elle a eu hier un visage extrêmement dur. » Malaisant. « Et des expressions très dures, elle disait : “Comment osez-vous ?” avec une virulence assez intense. » (...)

Un autre invité vacciné contre les malaises, Pierre Jacquemain, de Regards, salue « son engagement hyper sincère. Je ne vois pas en elle une fille manipulée… » « Certains disent qu’elle est manipulée », le coupe Olivier Truchot. « Certains disent aussi qu’elle serait mieux à l’école… », tente Pierre Jacquemain. « Juste une question… », le re-coupe Olivier Truchot. « Je finis juste là-dessus… » « Non-non, Pierre ! Une question, justement, c’est important, s’impose Olivier Truchot. Pourquoi elle s’attaque à la France, à l’Allemagne et pas à la Chine, la Russie ? » Et pourquoi elle ne va pas nettoyer les plages polonaises ?
(...)

« Quand elle pointe la course effrénée à la croissance éternelle, soutient bientôt Pierre Jacquemain, c’est un discours politique… » Mais il est re-re-coupé par Olivier Truchot : « Elle en a profité, de la croissance. » L’hypocrite vestale consumériste. « Attention au discours qui consisterait à dire “c’est Mandela, c’est Gandhi”, avertit Éric Brunet. Je ne vais pas dire de mal d’une enfant, elle a 16 ans, donc… » « C’est tout le problème !, s’exclame Apolline de Malherbe. On ne peut pas la critiquer. » Si elle l’avait été, je m’en serais aperçu. (...)

Frank Tapiro désigne la photo de l’hideuse vestale. « Il y a quelque chose qui me choque derrière vous, je suis désolé. » « Qu’est-ce qui se passe derrière moi ? », se retourne Olivier Truchot. « Ce n’est pas la seule image fixe qu’on ait d’elle, note le communicant. On a l’impression que c’est un chien enragé, on en fait un démon ! Ce traitement est inadmissible » « Le problème, réplique Olivier Truchot, c’est que c’est une enfant donc inattaquable ; elle parle avec ses tripes, avec de l’émotion, donc c’est difficile de contrecarrer une émotion ; et elle parle d’écologie… Donc on ne peut rien dire ! » Et voilà, c’est toujours pareil, dans ce pays, on ne peut plus rien dire, même pas que Greta Thunberg est une vestale fascistoïde. « Y a un côté tyrannie de l’émotion », appuie Éric Brunet, incarnation de la scientificité. (...)

« La révolution climatique, comme toutes révolutions, a besoin d’incarnation, prétend ce gauchiste de Pierre Jacquemain. Si c’est Greta Thunberg, c’est positif. » « Faut pas que ça se retourne contre elle, prévient Apolline de Malherbe. On sait que dans ce genre de combat, il y a un moment où on en fait trop. » Ça n’arriverait pas sur ce plateau. « Il faut pas que ça devienne tellement hargneux, jusqu’au-boutiste que l’opinion se détourne. » Trop tard, je crois que l’opinion des éditorialistes hargneux s’est détournée.