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Hydroélectrique : trésor national ou machine à cash ?
Article mis en ligne le 21 janvier 2019

Le gouvernement s’apprête à ouvrir au privé la gestion des barrages, en dépit des enjeux cruciaux qu’ils représentent. Une résistance discrète s’organise

. La loi française l’impose théoriquement depuis 1993, EDF s’y est préparée et la Commission européenne a mis la France en demeure en octobre 2015, en la rappelant à son propre agenda : la gestion des 433 barrages français dont EDF a la « concession » doit être ouverte à la concurrence du privé ; EDF doit abandonner des parts de marché pour que des multinationales puissent s’immiscer dans une nouvelle guerre de l’eau qui ne fera que des gagnants, a grondé la Commission. C’est, d’ici à trois ans, 20 % du parc hydroélectrique qui devra donc être délégué au plus offrant. En France, tout l’échiquier politique chuchote qu’il est contre, dans une rare unanimité. Sauf les gouvernements successifs, qui une fois installés semblent pressés d’attendre. Début 2018, Nicolas Hulot a proposé à Bruxelles de verser 150 concessions à la concurrence, sans pour autant passer à l’acte. (...)

Le sujet a de quoi donner le tournis aux plus farouches défenseurs de la concurrence « libre et non faussée ». Car chaque barrage présente des risques spécifiques dignes de films catastrophes, avec un impact direct sur la facture des ménages et des enjeux pour le tourisme, l’industrie, la lutte contre le réchauffement climatique et pour la biodiversité. (...)

Les barrages, construits pour la plupart pendant les Trente Glorieuses, constituent la source d’électricité la moins coûteuse et le seul moyen viable de stocker de l’énergie, sous forme de masse d’eau prête à être « turbinée ». EDF turbine donc aux heures de pic de consommation et coupe aux heures creuses. Certains barrages pompent même la nuit l’eau turbinée la veille, pour répondre aux pics de consommation (2). Une méthode utile pour absorber l’électricité produite la nuit par le nucléaire qui, lui, ne fluctue pas. Et cette manne devient d’autant plus stratégique que la transition énergétique doit faire la part belle aux énergies dépendant d’aléas tels que le vent ou le soleil, dont il faudra de plus en plus compenser les caprices. Elle représente également une poule aux œufs d’or potentielle pour une entreprise qui serait tentée de jouer de la rareté, lorsque le cours du mégawattheure s’envole, pour maximiser ses bénéfices.

L’offre est trop belle pour Total, l’électricien public suédois Vattenfall ou le canadien Hydro-Québec, qui ont déjà manifesté leur intérêt pour ce dossier. Les partisans de la concurrence n’ont pas jugé nécessaire, en revanche, de déployer d’argumentaire digne de ce nom pour justifier de l’intérêt d’une telle privatisation pour les Français. Seul l’appât du gain, sous forme de redevance, est pris en compte par le législateur. (...)

EDF, de son côté, n’est pas opposée à la mise en concurrence, mais demande un processus équitable qui prenne en compte toutes les composantes du dossier et « souhaite se positionner sur l’ensemble des concessions mises en concurrence », sans être limitée si elle devait les remporter toutes. (...)