
Il est grand temps d’abandonner le franc CFA, cet héritage de la colonisation française qui entrave le développement de l’Afrique.
Dans le cadre d’un débat démocratique, les adversaires doivent se vouer un respect mutuel et l’objectif devrait être d’éclairer les citoyens ordinaires, les décideurs publics, etc. Les meilleurs arguments doivent triompher des intérêts partisans. Autant nous devons nous réjouir de l’émergence d’un débat public sur le franc CFA partout dans l’espace francophone, autant nous devons déplorer le manque de courtoisie et d’honnêteté intellectuelle de nombre de partisans du franc CFA.
Lorsque l’on se limite aux faits, et uniquement aux faits, il est impossible de souhaiter le maintien du système franc CFA.
Premier fait irréfutable : le franc CFA n’a pas favorisé le développement économique des pays qui l’ont en partage. L’appartenance à l’espace FCFA (par ce raccourci commode il est fait référence aux deux blocs monétaires que sont l’Uémoa [Union économique et monétaire ouest-africaine] et la Cémac [Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale] ; la zone franc en Afrique, c’est l’espace FCFA + les Comores) est corrélée avec le sous-développement et la pauvreté.
Parmi les 14 pays de cet espace, 10 sont classés [par l’ONU] parmi les pays les moins avancés (...)
Deuxième fait irréfutable : on ne peut pas dire que le franc CFA ait favorisé l’intégration commerciale du continent. En 2014, les échanges commerciaux au sein de la zone franc se situaient à moins de 10 % du total des exportations et des importations des pays membres. (...)
Troisième fait irréfutable : les pays de l’espace FCFA souffrent d’un déficit chronique de crédits bancaires. (...)
Autrement dit, appartenir à l’espace FCFA, c’est être membre d’un espace où les porteurs de projets économiques ont très peu de chances d’obtenir un financement bancaire de moyen ou de long terme abordable.
Le CFA favoriserait les flux financiers illicites
Quatrième fait irréfutable : les pays de l’espace FCFA sont ceux qui souffrent le plus des flux financiers illicites en Afrique. (...)
Compte tenu des faibles performances socio-économiques des pays de l’espace FCFA et de l’emprise que la France y exerce, il n’est pas surprenant que l’appartenance à la zone franc ait été, et continue d’être, synonyme d’instabilité politique et d’autoritarisme. C’est là un cinquième fait irréfutable. (...)
Ces cinq faits irréfutables plaident tous contre le maintien du système franc CFA en l’état. Les partisans du franc CFA les passent d’ordinaire sous silence, préférant servir à l’opinion publique un discours de justification du statu quo. Cette apologie de l’immobilisme monétaire repose sur une série d’affirmations dénuées de fondement. Citons-en deux principales.
La stabilité de la zone, de nature à séduire les investisseurs (...)
Ce qu’ils ne vont pas dire, c’est que des épisodes d’accélération de la croissance ont souvent été observés en Afrique. Mais ces épisodes ont rarement été durables. (...)
Ce qu’ils ne vont pas dire, c’est que le PIB par habitant du Sénégal en 2014 était inférieur à celui de 1960, et que la Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara avait un PIB par habitant en 2014 inférieur de 41 % au meilleur niveau de l’histoire du pays, observé à la fin des années 1970, sous l’ère [Félix] Houphouët[-Boigny].
Ce qu’ils ne vont pas dire, c’est que les pays de la Cémac sont au bord du gouffre depuis la chute ces dernières années des prix des produits primaires.
Ce qu’ils ne vont pas dire, c’est que la prétendue stabilité monétaire n’est qu’un objectif intermédiaire. Ce n’est pas une finalité en soi. Ce qui importe au bout du compte, c’est l’amélioration du bien-être des populations, ce que le franc CFA ne permet pas (...)
Un taux d’inflation sous contrôle
Les partisans du franc CFA soutiennent également qu’il est un mécanisme pour préserver le pouvoir d’achat des populations. L’inflation est certes en moyenne plus faible dans les pays de l’espace FCFA, mais l’obsession anti-inflationniste dans cet espace a pour contrepartie une croissance économique en dessous du potentiel des pays membres. (...)
En réalité, le franc CFA permet de préserver le pouvoir d’achat de ceux qui ont un revenu important – les classes les plus aisées. Il ne permet pas de créer du pouvoir d’achat pour ceux qui n’ont pas de revenus ou dont les revenus sont insuffisants. Cette célébration du faible taux d’inflation dans le contexte de pays pauvres est d’autant plus risible qu’une ville comme Dakar est l’une des plus chères au monde. (...)
Le sommet des ministres de la zone franc, qui s’est tenu à la mi-avril à Abidjan, a relancé le débat autour du franc CFA. Alors qu’en Afrique, les partisans d’un abandon de cette monnaie se font plus nombreux, certains observateurs dénoncent une attitude partisane, fondée sur une idéologie souverainiste plutôt que sur la théorie économique.
“Il y a beaucoup plus de politique et d’émotions que d’analyses techniques profondes” dans le débat, déplore ainsi l’économiste Moustapha Kassé, cité par le site ivoirien Abidjan.net. (...)