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Il y a 56 ans, les médias et le massacre du 17 octobre 1961
Article mis en ligne le 18 octobre 2019

Le 17 octobre 1961 la fédération de France du Front de libération nationale (FLN) organise une manifestation à Paris. La répression policière est d’une extrême violence : outre l’internement de milliers de manifestants et l’expulsion de centaines d’entre eux, plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d’Algériens sont portés disparus – nombre d’entre eux ont été tués et jetés dans la Seine. Comment la presse a-t-elle rendu compte de ce massacre ? [1]

A notre connaissance, la meilleure étude publiée à ce jour sur le traitement médiatique du 17-Octobre est due à Mogniss H. Abdallah : dans un article paru dans la revue bimestrielle Hommes & migrations de novembre-décembre 2000, sous le titre « Le 17 octobre 1961 et les médias. De la couverture de l’histoire immédiate au “travail de mémoire” » [2]. Notre contribution doit être comprise comme une incitation à lire cet article de référence.

L’auteur examine ce traitement médiatique jusqu’en 2000. Mais qu’a-t-on pu lire dans la presse dans les quelques jours qui ont suivi ?

De droite…

« La presse populaire de droite, écrit Mogniss H. Abdalllah, à l’instar du Parisien libéré, de L’Aurore ou de Paris-Jour, reprend la version de la préfecture de police. Elle évoque de “violentes manifestations nord-africaines”, emmenées par des “meneurs” et des “tueurs”, “déferlant vers le centre de la ville” […] » (...)

Mais, dans les jours suivants, Le Figaro (même Le Figaro…) ne peut dissimuler totalement la vérité. (...)

au fil des jours France-Soir recueille également des témoignages sur l’ampleur et la violence de la répression. (...)

… à gauche

La presse de gauche sera plus audacieuse. Certes, elle commence par afficher une certaine prudence, qu’elle attribue, non sans raison, à la censure, comme le fait L’Humanité le 18 octobre (...)

Les jours suivants, en dépit de cette compréhensible prudence [3], dans l’ensemble de la presse que l’on peut classer à gauche le ton change et les informations filtrent. (...)

Comme le relève encore Mogniss H. Abdallah, « Libération, Témoignage chrétien ou France Observateur publient sous la forme interrogative “est-il vrai que... ?” ou “y a-t-il eu... ?” de multiples informations sur les exactions policières et leur caractère systématique (hommes frappés et jetés à la Seine ou retrouvés pendus dans les bois, décompte du nombre des morts et des disparus qui discrédite le bilan officiel faisant état de 3 morts et 55 blessés...) “Si tout cela est exact, et nous avons de bonnes raisons de le croire, qui sont les auteurs de ces crimes ?” demande Libération du 19 octobre 1961 ».

Pendant toute la semaine qui suit, les témoignages s’accumulent et convergent. (...)

Enfin, des photos d’Élie Kagan (1928-1999), prises lors de manifestation du 17 octobre sont publiées par Témoignage chrétien : elles sont accablantes. (...)

Les « petits médias »

Pourtant, comme le souligne Mogniss H. Abdallah, c’est surtout aux « intellectuels-journalistes » (comme Paul Thibaud ou Claude Bourdet) et aux « petits médias » que l’on doit, dès 1961, le combat le plus acharné pour la vérité : outre les exactions en tous genres, c’est un véritable massacre qui a été perpétré (...)

Mais, en ce mois d’octobre 1961, aucune mobilisation de solidarité ne sera suscitée. Il n’en ira pas de même, quelques mois plus tard, à la suite de la tuerie du 8 février 1962 au métro Charonne. Pis : la mémoire collective et la commémoration de cette tuerie ont longtemps occulté le combat pour la vérité et la reconnaissance du massacre du 17 octobre 1961. Ce combat, qui est d’abord un combat pour l’information, n’est pas fini.