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le Monde Diplomatique
Ils l’ont tant aimé
Février 2019...
Article mis en ligne le 31 juillet 2021
dernière modification le 30 juillet 2021

Le temps ronge l’enthousiasme plus sûrement que l’acide, mais il dissout aussi la mémoire : moins de deux ans après l’élection de M. Emmanuel Macron à la présidence de la République française, l’idée qu’il fut élevé au rang de héros de la démocratie et porté en triomphe par la plupart des médias institutionnels paraît irréelle. Presque embarrassante.

Au nom du « barrage » électoral à opposer à Mme Marine Le Pen, la dirigeante du Front national (FN), qualifiée pour le second tour du scrutin, éditocrates et médiacrates s’unissent dans la lutte contre l’abstention ou le vote blanc et nul. Avec un seul mot d’ordre durant deux semaines : « Voter Macron ! » ; ou plutôt : « Votez Macron ! »

La partition jouée par le monde journalistique n’a pas la même intensité qu’en 2002, lors de l’accession de M. Jean-Marie Le Pen au second tour. Cette fois, les médias (télévisions, radios) laissent paraître une forme de neutralité. Laquelle se solde, le soir des résultats du second tour sur France 2, par un plateau presque équilibré : cinq personnalités qui ont appelé à voter Macron (M. Dominique de Villepin, Mme Ségolène Royal, M. François Bayrou, M. Gérard Collomb et M. François Baroin) contre un soutien de Mme Le Pen (M. Nicolas Dupont-Aignan, en l’occurrence).

Contrairement à ce qui s’était produit en 2002, les médias ont peiné à mobiliser contre le FN, ce qui fait douter certains du triomphe — pourtant acquis — de l’ancien ministre de l’économie. (...)

pour mobiliser les frileux — les déçus du hollandisme, les blasés du 21 avril 2002, les cocus des « primaires citoyennes » (1), les anticapitalistes grognons, les altermondialistes dépités et surtout les électeurs insoumis —, médias et personnalités se mobilisent en masse : de Jean d’Ormesson dans Le Figaro (« Je voterai pour Emmanuel Macron ») à M. Bernard Arnault dans l’un des quotidiens qu’il possède, Les Échos (« Pourquoi je vote Emmanuel Macron »), en passant par Christophe Barbier dans L’Express (« Macron, bien sûr ») ou Raphaël Glucksmann dans L’Obs (« Faire barrage »).

« Le résultat sera bien plus serré qu’on ne le croit », ajoute ce dernier dans un entretien donné aux Inrockuptibles du 26 avril et aussitôt repris par la revue de presse de France Inter. L’artillerie est lourde, l’argumentaire pas toujours subtil. (...)

Une douce propagande — certains parlent de « pédagogie » — s’est jointe au vacarme médiatique. Ainsi, sur France Inter, le 28 avril, Thomas Legrand dénonce cette « idée de renvoyer dos à dos Marine Le Pen et Emmanuel Macron, [qui] prospère à la gauche de la gauche ». Puis, déclarant sa flamme à son futur président, il fulmine : « Une équidistance entre un banquier et un fasciste est aussi absurde qu’entre un curé et un communiste, un pompiste et un écologiste, un plombier-zingueur et un centriste ! On est dans la caricature et le schématisme sectaire le plus abouti ! Parce qu’Emmanuel Macron n’est pas un ultralibéral, c’est un social-libéral. Sa conception du rôle de l’État n’est pas tournée vers le désengagement, et ses idées sur les relations sociales procèdent au mieux (vu de gauche) d’une tradition rocardo-CFDT d’inspiration scandinave, au pire schröderienne. » En effet, M. Macron n’est pas Margaret Thatcher, pas plus que tous les présidents avant lui.

Dix-huit mois plus tard, il suffit désormais de lister ses mesures — suppression de l’impôt sur la fortune, maintien du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), baisse de l’impôt sur les sociétés, gel des pensions de retraite et des allocations familiales, etc. — pour constater qu’il n’est pas même « social-libéral ». Ce dont Thomas Legrand aurait pu s’apercevoir en lisant le programme du candidat… (...)