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Immigration : après le débat à l’Assemblée, les ONG pas rassurées
Article mis en ligne le 12 octobre 2019

Le débat sur l’immigration, lundi après-midi à l’Assemblée nationale, a finalement peu mobilisé les députés. Mais les annonces par les ministres des pistes de travail sur le sujet inquiètent les associations de soutien aux migrants. Libération a recueilli quelques-unes de leurs réactions.

Médecins du monde : « Une certaine contradiction dans le discours sur la santé »

Christian Reboul, responsable études et plaidoyers de Médecins du monde :
« C’était un peu étrange, ça avait l’apparence d’un débat apaisé mais c’était lourd de sens. Le débat était basé sur un document préparatoire incomplet et orienté pour légitimer les mesures à venir. Sur les questions de santé, la ministre a quand même lâché, face à la pression de l’Elysée et de l’Intérieur, sur l’accès aux soins des demandeurs d’asile. Leur refuser des soins pendant trois mois, c’est un non-sens au regard de ce qu’est ce public, des personnes qui pour la plupart ont subi des traumatismes dans leur pays d’origine et sur le parcours, notamment en Libye.

« Jusqu’ici, on parlait d’AME mais pas de CMU. On ouvre un débat qui était sanctuarisé. Il y a une certaine contradiction dans le discours : la ministre dit "nous ne voulons pas que les gens tardent à se soigner" mais les pousse à converger vers les urgences. Comment penser que la docteure Agnès Buzyn conçoive une politique qui refuse des soins ? On veut croire que ce n’est pas figé, mais les choses ont quand même bien été avancées [lundi]. »

La Cimade : « On a beaucoup, beaucoup, beaucoup parlé de fraude »

Sarah Belaïsch, directrice des pôles thématiques de la Cimade :
« On se demande un peu à quoi servait ce débat. On a beaucoup, beaucoup, beaucoup parlé de fraude. Les personnes migrantes et les demandeurs d’asile sont présentés comme abusant des procédures (d’asile, d’accès au soin, de visas…). Le Premier ministre a d’emblée attaqué sur le dévoiement de la demande d’asile, c’est gênant. Il prend la situation des Géorgiens et des Albanais pour montrer qu’il y a détournement, sauf qu’il y a quand même 1 070 Albanais et 238 Géorgiens qui ont obtenu l’asile en 2018, il y a une raison. Si on met en place un mécanisme qui ne permettrait pas à ces gens de voir étudier leur demande d’asile à cause de l’état global de leur pays, c’est un problème, car des situations particulières et individuelles justifient l’asile.

Sur le règlement de Dublin, on parle aussi de détournement via les mouvements secondaires. Il faut plus de solidarité entre Etats membres. Mais au lieu de laisser les gens sans droit avant un hypothétique transfert vers le pays responsable de leur demande d’asile, ce qui la plupart du temps n’arrive pas et la France le sait pertinemment, on pourrait étudier leur demande d’asile ici.

Enfin, les ministres présentent la France comme un pays très attractif mais sur le terrain, on constate une politique dissuasive (..)

Ligue des droits de l’homme : « Le rouleau compresseur populiste passe »

Dominique Noguères, vice-présidente de la LDH :
« J’ai trouvé ça assez catastrophique. On a assisté à une série de discours les uns derrière les autres sans proposition réelle mais avec des a priori extrêmement inquiétants. (...)

« Sur l’AME, j’ai l’impression qu’on ne sait même pas de quoi on parle, alors qu’il y a de la documentation, des chercheurs… L’AME, ce n’est pas tous les droits à la santé, loin de là, c’est la Sécurité sociale du pauvre, si on peut dire. Or on donne l’impression que c’est formidable, exceptionnel, qu’on a droit à tout, mais avec l’aide médicale d’Etat, on a droit à moins de soins que ce à quoi, nous, on a droit avec notre Sécurité sociale. »
Tous Migrants : « Les migrants ne sont pas des misérables, on en fait des miséreux »

Michel Rousseau, membre du collectif Tous Migrants :
« Je n’ai pas regardé le débat car on a la tête dans le guidon en permanence, on est dans la réalité que les politiques ne veulent pas voir, ou ne peuvent pas voir. Mais de ce que j’en ai entendu, on balance entre les beaux discours, sur l’impératif moral de porter secours aux plus vulnérables, et la réalité. Il y a une sorte de schizophrénie entre ceux qui parlent à Paris et ceux qui rejettent les gens à la frontière. Quand on parle de détournement de droit d’asile, c’est une mystification de la réalité : l’asile repose sur la situation personnelle, pas sur celle du pays !

« Nous, on est une association de terrain, on est témoins que notre gouvernement fait la misère, ajoute de la misère à des personnes qui ont déjà vécu des choses horribles. Les discours sont trompeurs : la réalité, c’est que l’Etat exerce une violence sur des populations vulnérables. Ce ne sont pas des misérieux, on les rend misérables. »