
Pendant une dizaine de jours, des paysans africains sont allés se mettre à l’école de l’Inde. Echanges fructueux avec leurs pairs dans la promotion de la diversité biologique, dans la lutte contre l’introduction des OGM, sur les expériences culturales, dans le renforcement des pouvoirs de ces femmes sur la production vivrière, etc., Et au bout du séjour, des leçons partagées et des perspectives tracées pour continuer à travailler ensemble à la promotion de la diversité biologique.
(...) une expérience exceptionnelle à l’occasion du Festival Mobile de la Biodiversité en Inde, dans l’Etat d’Andra Pradesh. Ce festival est organisé chaque année depuis maintenant 13 ans par le Deccan Development Society (DDS), une organisation forte de 5 000 femmes très actives sur le terrain. Le Festival Mobile de la Biodiversité est un grand événement à la fois de réflexion et de partage festifs.
Plusieurs centaines de paysannes et de paysans se mettent en route, pour célébrer de village en village la diversité biologique, dont la nature les comble chaque année sans relâche. Sur la route, ils partagent aussi leurs rêves et leurs préoccupations avec les autres acteurs de la société, car le festival ne mobilise pas que les paysans, mais aussi des autorités politiques, des élus parlementaires et des collectivités locales, des techniciens des services d’agriculture départementaux et des districts. Sont aussi présents des élèves des écoles primaires et des collèges, la jeunesse. DDS et tous les acteurs à la base pensent à demain, c’est pourquoi il y a une attention particulière aux jeunes.
Fait remarquable, le gouvernement central a envoyé un représentant, le vice-ministre de l’Agriculture, venu spécialement de New Delhi. Il s’est mêlé à la joie des paysans, pour aussi célébrer le millet, céréale emblématique d’Andra Pradesh, disparue un moment du bol alimentaire des populations, mais revenue au rang des céréales nobles, grâce à la détermination des paysannes gardiennes des semences (...)
Les femmes productrices et gardiennes des semences, dont le travail a redonné vie au millet sont aujourd’hui comme des héros de la nation. Voilà comment l’agriculture agro-écologique peut tout simplement montrer son efficacité. Il faut juste accepter de la pratiquer. Ce succès a été possible parce que l’agroécologie n’est pas un mot pour ces paysannes les plus pauvres de l’Inde, mais est devenu un comportement.
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A travers l’organisation de ces femmes, pour la plupart des dalits (la plus basse échelle dans la hiérarchie sociale en Inde), DDS veut instaurer une gouvernance locale forte, avant que les groupes de base ne se fédèrent en un grand mouvement de pression en faveur des pauvres. Le résultat le plus important visé est de renforcer les pouvoirs de ces femmes sur la production vivrière, les semences, les ressources naturelles, le marché et les médias. Tout en travaillant à la base, DDS est une puissante organisation de plaidoyer et de lobbying efficace au plan national en Inde, sous-régional en Asie et international. (...)
La COPAGEN, à l’instar de DDS, est confrontée à la culture imposée du coton Bt au Burkina Faso. Les producteurs de ce dernier pays sont soumis à des mesures discriminatoires similaires à celles que subissent leurs pairs dans l’Etat d’Andra Pradesh en Inde : traitement de faveur à l’endroit du coton Bt, au détriment du coton conventionnel. Dans l’Etat d’Andra Pradesh, on organise la pénurie des semences de coton conventionnel pour ne laisser que les semences Bt sur le marché. Au Burkina on ramasse le coton conventionnel en dernier lieu, comme pour dire aux paysans qui trainent encore les pas qu’ils ont intérêt à rejoindre leurs collègues du coton Bt. DDS a conduit, depuis plusieurs années, des études sur le coton Bt en Inde. La COPAGEN veut s’y lancer pour documenter l’impact de ce coton sur la vie des paysans au Burkina Faso. Au Canada, INTERPARES, à travers CBAN, construit patiemment mais fermement la résistance contre les OGM dans l’assiette des consommateurs. Nous avions tellement de choses à échanger que le temps manquait.
C’était la première fois que toute l’équipe ‘COPAGEN’ (4 personnes), mettait pied en Inde. Au-delà de tous les motifs d’échange, nous étions curieux de constater de visu l’ingéniosité légendaire du peuple indou qui sait puiser dans son environnement les solutions locales aux problèmes de développement. Mais la COPAGEN n’était pas seule. En plus des amis du Canada, il y avait ceux de la Birmanie, de Bangladesh, de l’Indonésie et des Philippines. C’était une vraie rencontre internationale. Mais l’Afrique était à l’honneur par la volonté de nos hôtes. La conférence des 16 et 17 janvier à Hyderabad a été qualifiée de « Afro Asian Conclave » et portait sur le thème : « Le Coton Bt et au-delà : Statut et implications des plantes génétiquement modifiées et des technologies post Génie Génétique pour les paysans petits producteurs en Afrique et en Asie ». L’Afrique est donc allée à la rencontre de l’Asie. (...)