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Inde : Contre les tisons nationalistes, le claquement des baisers
Article mis en ligne le 9 janvier 2015
dernière modification le 6 janvier 2015

Depuis l’arrivée en mai dernier de l’extrême droite hindoue au pouvoir, la nébuleuse ­fascisante ultranationaliste se sent pousser des ailes. Elle distille un climat de violence contre les femmes, les musulmans, les intouchables. Difficilement, la riposte s’organise. Dernière action en date : les manifs du « Kiss of love », plus politiques qu’elles n’y paraissent.

. Ils sont la version indienne des milices de l’Aube dorée grecque ou des identitaires français, les crânes rasés en moins. Ce samedi 8 novembre, ils ont troqué leurs shorts kaki de défilés paramilitaires contre de simples pantalons. Ils s’époumonent  : « Le Kiss of Love n’aura pas lieu  ! », « Protégeons notre culture contre des pratiques dépravées ! », « Les agents de l’Occident, dehors ! ».

Ils accueillent ainsi celles et ceux venus participer à un nouveau type d’action publique, le « Kiss of Love ». « Sanghis, gare à vous  : nous venons faire l’amour devant votre bureau », prévient avec provocation l’affiche collée à la hâte dans les universités de la capitale et diffusée sur ­Facebook seulement 48 heures avant la flash mob. Le « Kiss of love », qui a déjà eu lieu à l’université de Calcutta et dans la ville méridionale de Kochi, se présente comme une riposte à ­l’expédition punitive organisée, fin octobre, par des membres du RSS contre un pub de Calicut, au sud de l’Inde, où les jeunes amoureux avaient pris l’habitude de se retrouver. Mobilisés contre celles et ceux qui vivent en concubinage ou osent s’aimer sans être de la même caste ou de la même religion, ils sévissent comme police des mœurs au service de la « culture hindoue ». C’est donc naturellement devant le quartier général du RSS que les manifestants de New Delhi ont décidé de se rendre.

Coup pour coup, œil pour œil

« Nous venons affirmer la liberté de s’aimer, de disposer de son corps et de sa sexualité », explique Pratik, lunettes rondes, cheveux bouclés en bataille, un bouquin d’Orwell sous le bras (...)

Indissociable des revendications pour l’émancipation, la lutte contre les violences faites aux femmes a acquis une place centrale dans les récents mouvements. « Il ne s’agit pas seulement d’avoir le droit d’embrasser. Mais aussi d’avoir le droit de ne pas embrasser, martèle Pankhuri dans un dernier discours. Nous ne tolérons aucun type de harcèlement. » Rappelons-nous les foules immenses descendues dans la rue à New Delhi en décembre 2012, après le viol dans un bus d’une étudiante de 23 ans par six hommes. Depuis septembre 2014, la fac de Jadavpur à Calcutta est secouée par des milliers d’étudiants insurgés contre l’inaction des autorités face au harcèlement sexuel dont fut victime une étudiante. Aujourd’hui encore, les victimes de violences et de viols sont régulièrement accusées de l’avoir bien cherché. « Comment étiez-vous habillée ? », voilà l’une des questions posées à la jeune fille par les fonctionnaires chargés de l’enquête. (...)

Ce soupçon permanent est au cœur de l’hindouisme politique. Le RSS défend une conception patriarcale de la femme confinée à l’intérieur de la maison et dont les choix de vie appartiennent au chef de famille. L’organisation s’oppose au droit à l’héritage pour les filles et fait régulièrement des déclarations sur la bonne manière de se comporter et de s’habiller. « La femme est l’incarnation des pires désirs, haines, tromperies, jalousies et mauvais sentiments. La liberté ne doit jamais être donnée à la femme », peut-on lire dans le livre sacré préféré des hindouistes, le Manusmriti. Ou encore  : « Tuer une femme, un intouchable ou un athéiste n’est pas un péché. » Ainsi, au contrôle du corps de la femme s’ajoute une défense radicale du système des castes, dont les intouchables forment le plus bas étage. Les mariages intercastes sont pour eux sacrilèges – ils affaiblissent « l’harmonie de la nation hindoue ». Pour avoir fréquenté une fille d’une caste supérieure, un intouchable a été tué avec deux membres de sa famille par des hindous de haute caste le 20 août dernier.

Le Love Jihad, invention de la propagande hindoue.

L’amour, le poison qui menace l’Inde hindoue  : voilà ce que professent les ultranationalistes. Et si l’amant est musulman, alors la croisade leur apparaît d’autant plus nécessaire. Depuis plusieurs mois, les militants hindous ont réactivé une vieille propagande contre les musulmans, qu’ils accusent d’enlever leurs femmes pour les convertir. Stratèges en communication, ils ont inventé une formule  : le Love Jihad. (...)