
Le mathématicien et économiste, maître de conférences à l’Université Paris-Dauphine Miquel Oliu-Barton ne mâche pas ses mots pour parler de la politique de lutte contre le Covid-19 adoptée par la France, qu’il qualifie de « Brésil de l’Europe ».
Promouvant l’adoption de mesures locales et une stratégie d’élimination qui vise une circulation minimale du virus, il cosigne un article paru dans The Lancet fin avril. Pour lui et ses coauteurs, le « vivre avec » à la française s’avère être un échec, en tous points.
korii : Comment en êtes-vous venu à vous poser la question de la différence d’impact économique entre les stratégies de « vivre avec » et d’élimination du SARS-CoV-2 ?
Miquel Oliu-Barton : Cela fait plus d’un an que nous travaillons sur la pandémie et les stratégies de lutte contre celle-ci. Dès le début, nous avons pu constater qu’avec des stratégies d’élimination locale, on pouvait agrandir progressivement les territoires où le virus est éliminé ou contrôlé.
Cela permet à la fois d’éliminer le virus plus rapidement et de reprendre une vie normale là où il est possible de le faire. Nous avons appelé cette logique « green zoning » car le principe fondamental est de repérer, protéger et connecter les zones vertes, où le virus est maîtrisé.
Mais à chaque fois que l’on parlait d’élimination ou de mesures visant à une circulation minimale du virus, on nous opposait la question de l’économie. La question était donc de savoir s’il y a vraiment un arbitrage à faire entre économie et santé. (...)
Bien que très hétérogènes, les politiques adoptées de par le monde peuvent être classifiées en deux catégories : soit aller vers l’élimination du virus, soit vivre avec. Les données parlent d’elles-mêmes : les stratégies d’élimination sont plus avantageuses sur les plans sanitaire, économique et en matière de libertés individuelles.
Comment expliquer le phénomène ?
La stratégie d’élimination procède en deux phases. D’abord, on ramène la circulation du virus en dessous d’un seuil critique, de sorte que l’on puisse tracer, alerter et isoler efficacement les nouveaux cas.
Ensuite, on agit rapidement, et de manière stricte mais localisée en cas de résurgence du virus. C’est ce qu’a fait l’Australie, par exemple : un confinement strict en août et septembre 2020, suivi de confinements brefs et ciblés.
Vivre avec le virus a pour conséquences de devoir être sur le qui-vive en permanence, de fermer des domaines d’activité et pas d’autres, rouvrir puis refermer... Cette logique de « stop and go » est extrêmement coûteuse sur le plan économique et social à long terme. (...)