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Libération
Internet libre L’héritage d’Aaron Swartz, l’activiste qui a renversé le code
#AaronSwartz #internetlibre
Article mis en ligne le 13 janvier 2023
dernière modification le 12 janvier 2023

A rebours de la mainmise d’Elon Musk sur Twitter ou de l’essor des technologies sécuritaires, le jeune militant, mort il y a tout juste dix ans, voulait construire un Internet libre. Des Creative Commons au logiciel de transmission de documents confidentiels SecureDrop, il continue d’inspirer les combats pour un numérique éthique.

Le nom de ce développeur prolifique, militant du libre accès à la connaissance et des biens communs numériques, évoque, entre autres, les licences Creative Commons, imaginées par le professeur de droit Lawrence Lessig pour encadrer le partage des œuvres, et qu’il a participé à mettre en place au début des années 2000 ; le site web Reddit, plus grand forum anglophone au monde, qu’il a codéveloppé en 2005 ; ou encore la mobilisation, en 2012, contre le projet de loi Sopa (Stop Online Piracy Act), accusé jusqu’à la Maison Blanche d’être une machine à censurer au nom du droit d’auteur, bataille dont il fut l’un des visages publics. Aaron Swartz s’est pendu le 11 janvier 2013, dans l’appartement qu’il partageait à Brooklyn avec sa compagne Taren Stinebrickner-Kauffman, fondatrice de l’ONG SumOfUs. Il avait 26 ans.

Codeur juvénile aux intuitions lumineuses

Il était, à l’époque, sous le coup de treize chefs d’inculpation – et d’une peine maximale encourue de cinquante ans – pour avoir, deux ans plus tôt, téléchargé plusieurs millions d’articles scientifiques sur la bibliothèque numérique JSTOR depuis le réseau du Massachusetts Institute of Technology de Boston. Son procès devait s’ouvrir en avril. (...)

Il y avait aussi, chez ce jeune homme sensible et tourmenté, des souffrances durables, des abîmes. « J’ai le sentiment que mon existence est une charge pour la planète », avait-il écrit sur son blog à l’âge de 20 ans.

Il était une figure du « hacktivisme », l’usage de la technologie à des fins politiques. Il est devenu une icône – « l’enfant d’Internet », comme le dit son ex-compagne, la journaliste Quinn Norton, dans un documentaire auquel la formule a donné son titre, The Internet’s Own Boy, réalisé par le documentariste Brian Knappenberger et sorti en 2014 (...)

Les ravages de la surveillance en ligne opérée par les régimes les plus autoritaires sont alors déjà connus. Côté occidental, si Edward Snowden n’a pas encore fait son apparition à la une du Guardian, la NSA est lourdement soupçonnée de chaluter le cyberespace. Google, Facebook et Twitter prospèrent. Eli Pariser, cofondateur de la plateforme Avaaz, a déjà publié son essai The Filter Bubble (« la bulle de filtre »). Mais « on n’était pas à ce point-là de massification et d’uniformisation des grands médias sociaux, et il n’y avait pas non plus un tel état de fragmentation paradoxale », observe Olivier Ertzscheid, enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication à l’université de Nantes et auteur du Monde selon Zuckerberg (C & F, 2020). (...)

« Beaucoup de thèmes que Swartz a posés étaient pionniers pour l’époque et pour son âge, et apparaissent dans l’Internet de 2023 comme des thématiques à remobiliser », souligne Olivier Ertzscheid, qui le décrit comme une figure d’« ingénieur politique » du Net sans véritable équivalent aujourd’hui. Le legs d’Aaron Swartz, estime-t-il, est aussi dans son insistance à articuler le code et l’éthique, les outils et les objectifs. (...)