
Pour maintenir à tout prix l’activité économique, le ministère du Travail enjoint ses agents à ne pas prendre d’initiatives. Au risque finalement d’accepter que des employeurs peu scrupuleux mettent en danger des salariés mal protégés
La tension est maximale, dans les services du ministère du Travail. Depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, la direction générale du Travail (DGT) multiplie les démarches – et les menaces – pour tenter de limiter les interventions qui empêcheraient la poursuite des activités économiques. Le recadrage a pris la forme d’une note interne adressée aux inspecteurs du travail et à leurs supérieurs hiérarchiques, le 30 mars, dans laquelle Yves Struillou, le directeur général du travail, rappelle que toutes les activités « peuvent légalement se poursuivre », à l’exception d’une liste d’activités explicitement interdites par le décret du 24 mars [1].
Il demande surtout à ses troupes de ne pas prendre d’initiative. L’envoi de recommandations à toutes les entreprises de la grande distribution, comme cela a été fait dans certains départements, est proscrit. Tout comme les conseils ou mises en demeure suggérant aux employeurs de cesser leur activité pour éviter d’exposer leurs salariés au coronavirus. Il revient à « la police sanitaire » [2], et à elle seule, de se prononcer sur une fermeture d’entreprise, insiste le DGT. Ce qui suscite l’indignation de Simon Picou, secrétaire national de la CGT du ministère du Travail : « On nous empêche de questionner la poursuite de l’activité, alors que nous devrions être fondés à le faire dans le cadre de notre mission de prévention des risques. »
Les inspecteurs du travail sont priés de s’en tenir à un rôle de conseil, par téléphone, et de rester dans les clous de la procédure habituelle en matière de prévention des risques, qui peut prendre plusieurs semaines et nécessite l’intervention d’un juge avant toute fermeture. Les déplacements dans les entreprises doivent être limités aux situations les plus graves (...)
Port du masque : les « agents de contrôle n’ont pas à se protéger des personnes qu’ils rencontrent »
D’autres documents consultés par Politis témoignent que l’administration fait bloc pour tenter d’empêcher au maximum les fermetures d’entreprises. (...)
Dans le Grand-Est, il est aussi demandé aux agents de ne pas porter de masque lors de leurs éventuels déplacements en entreprise. D’une part parce que les stocks de masques (prévus pour les interventions relatives à l’amiante notamment) sont envoyés au personnel soignant, comme l’indique le 23 mars la direction régionale du Grand-Est dans un courriel à ses inspecteurs. Mais aussi parce que les « agents de contrôle n’ont pas à se protéger des personnes qu’ils rencontrent », au regard du fait que le ministère du Travail « demand[e] aux salariés de continuer à travailler pour assurer la continuité de l’activité économique […], nos agents, qui doivent remplir des missions de service public, doivent le faire AUSSI », écrit-elle. (...)